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DUTHUIT GEORGES (1891-1973)

Celui que, dans ses « Prolégomènes à un troisième manifeste du surréalisme ou non », André Breton comptait parmi les esprits « les plus lucides et les plus audacieux d'aujourd'hui », naquit à Paris. Orphelin en 1906, littérature, musique et art seront, très tôt, ses recours contre la solitude. Reçu à l'École des beaux-arts (architecture, dessin), il ne s'y montrera guère.

L'impulsion décisive lui vient de Matthew Stuart Pritchard, ancien conservateur de numismatique du musée de Boston et philosophe de l'art, fixé à Paris. Par lui, Duthuit reçoit la révélation de Byzance et, à travers elle, de l'univers de la couleur.

Introduit chez Matisse (dont il épousera la fille, Marguerite, en 1923) par Pritchard et Sarah Stein, belle-sœur de Gertrude Stein, il saura déceler dans l'œuvre du peintre fauve la résurgence moderne de la couleur pure, ainsi que de l'esprit dont elle est et le signe et l'instrument.

Incorporé dans l'armée en 1911, il y restera jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. C'est après la fin des hostilités que commence une carrière très variée d'écrivain, dont l'histoire de l'art – en particulier byzantin – et la critique de l'art contemporain constituent les volets principaux. Surpris par la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis, en 1939, Duthuit y restera jusqu'à la fin de l'Occupation, participant activement aux émissions radiophoniques en direction de la France.

De retour à Paris, il se consacre de nouveau à ses travaux sur Byzance, sur le fauvisme, sur la jeune peinture (il sera l'un des premiers, sinon le premier, à saluer l'œuvre de Nicolas de Staël, de Bram Van Velde, de Jean-Paul Riopelle, de Sam Francis). Surtout, il s'attache à définir l'esthétique qui sous-tend tous ses travaux : ce sera, sous la forme d'une polémique avec Malraux, Le Musée inimaginable et, décanté jusqu'à l'essentiel, le livre qui résume sa pensée et son expérience, Le Feu des signes. Georges Duthuit meurt le 9 août 1973, à Aix-en-Provence.

L'œuvre de Duthuit a pu dérouter, sans doute en raison de sa diversité extrême : sur un mode tour à tour méditatif, caustique, lyrique ou érudit, il s'est intéressé avec une acuité égale à la sculpture sumérienne, à Miró, aux masques esquimaux, à Jules Laforgue ou à la cérémonie du couronnement de la reine d'Angleterre. Toutefois, cette variété tire sa cohérence d'une conviction très tôt acquise et jamais ébranlée : que tout ce qui divise, sépare, détache est attentat contre la vie, mutilation. S'il se consacre à l'art, c'est que celui-ci lui apporte la preuve de « l'intériorité commune des œuvres et des êtres » (Le Feu des signes). L'image n'est pas une fin, un objet, mais une « écluse » permettant de satisfaire la « primordiale nécessité de l'échange ».

À vrai dire, cette nécessité ne s'est pas imposée à toutes les époques. Certaines, telles la Grèce classique, la Renaissance, ont substitué le principe de l'imitation (qui est mise à distance) à celui de la participation, tout comme l'acte de lecture s'est substitué, chez le spectateur, à l'acte de vision. Duthuit défend et illustre la notion de participation à travers Byzance, puis à travers Matisse et enfin, dans une large mesure, à travers certains peintres de l'après-guerre. Il souligne chez eux le rôle libérateur de la couleur, la prédominance de l'espace réel sur l'espace fictif, la subordination des éléments de la représentation à la manifestation d'un présent où les énergies du « spectateur », réveillé de son état de dispersion, rejoignent celles de l'artiste.

Cette esthétique profondément originale a permis à Duthuit de dégager le sens novateur de l'art[...]

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Pierre SCHNEIDER. DUTHUIT GEORGES (1891-1973) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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