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LAMMING GEORGE (1927-2022)

Né le 8 juin 1927 à Carrington Village (La Barbade), l'écrivain George Lamming a commencé par écrire des poèmes et de courtes histoires avant d'émigrer en Angleterre, en 1950. Séjournant à Trinidad de 1946 à 1950, il se forgea une personnalité artistique qui eut bien de la peine à émerger dans la société coloniale antillaise de cette époque. Le poète évoque les Antilles comme une prison qui stérilise l'imagination. La seule manière d'échapper à ce ghetto insulaire était l'émigration. En Europe, il découvre l'aliénation et la nécessité de se définir non plus seulement comme artiste mais comme Antillais.

Ses romans explorent toutes les dimensions de la société et de l'histoire des Caraïbes. Il commence peu après son arrivée en Angleterre à écrire un roman, publié en 1953, qui évoque son enfance à la Barbade : In the Castle of my Skin. Dans son deuxième roman, The Emigrants (1954), George Lamming retrace le voyage et la vie d'un groupe d'Antillais qui se rendent en Grande-Bretagne à la recherche d'une autre existence. L'auteur démasque le processus colonialiste qui oblige les Antillais à s'engager sur la voie de l'émigration. Dispersés en Angleterre, « la terre des ennemis », les émigrants ne peuvent plus se retrouver – comme au cours du voyage – pour forger leur unité. Dans les deux romans suivants, Of Age and Innocence (1958) et Season of Adventure (1960), il recrée dans une île imaginaire des Caraïbes, San Cristobal, la société antillaise avec ses angoissants problèmes d’identité et de quête de liberté.

Pendant plus de dix ans il travaille à son cinquième roman, Natives of my Person (1972). George Lamming s’est fixé pour objectif un impossible voyage au cœur de l’histoire des Caraïbes à travers la traite négrière, le système esclavagiste et le colonialisme qui s’édifie sur l’exploitation humaine. La publication en 1971 de Water WithBerries, une allégorie inspirée par La Tempête de William Shakespeare, lui permet de reprendre le thème lancinant de l'émigration et de peindre le passage de l'artiste antillais qui, après avoir quitté son royaume habité par Caliban, débarque dans l'île de Prospero, adversaire si abhorré. George Lamming a participé en 1956 au premier Congrès des écrivains et artistes noirs qui s'est tenu à Paris, organisé par la rédaction de la revue Présence africaine. L'université des West Indies (Cave Hill, Barbade) lui conféra un HonoraryDegree le 6 février 1980. À cette occasion, il prononça un remarquable discours dans lequel il reprenait quelques-uns de ses thèmes favoris qu'il venait de développer à La Havane au cours du troisième Caribbean Festival of the Arts (1979). À Cuba, il avait été favorablement impressionné par les réalisations de la révolution cubaine sur les plans politique et culturel. Des rapports nouveaux s'étaient tissés entre littératures anglophone et hispanophone des Caraïbes. À Cave Hill, devant une assemblée d'intellectuels, il souligna la spécificité de la région des Caraïbes dont la vocation, dès le début de la colonisation, n'était pas d'abriter une vie communautaire mais de se consacrer à la production fondée sur l'esclavage. Comparant le pouvoir de la nouvelle classe dirigeante, découlant du savoir, au pouvoir de l'ancienne caste de Blancs esclavagistes, découlant de leurs possessions terriennes, il s'interrogeait sur toutes les formes de leadership. Il stigmatisa la « pantomime électorale [...] orchestrée par des intérêts étrangers » ainsi que le comportement d'une élite bureaucratique et des travailleurs uniquement préoccupés de leur salaire ou de leurs conditions de travail.

George Lamming meurt à Bridgetown (La Barbade), le 4 juin 2022.

— Oruno D. LARA

— Universalis

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Écrit par

  • : professeur d'histoire, directeur du Centre de recherches Caraïbes-Amériques
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Oruno D. LARA. LAMMING GEORGE (1927-2022) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CARAÏBES - Littératures

    • Écrit par Jean-Pierre DURIX, Claude FELL, Jean-Louis JOUBERT, Oruno D. LARA
    • 15 575 mots
    • 4 médias
    George Lamming (né en 1927), V. S. Naipaul (1932-2018), Wilson Harris (1921-2018), Samuel Selvon (1923-1994), Derek Walcott (1930-2017), Edward Kamau Brathwaite (né en 1930) et, dans une moindre mesure, Michael Anthony (né en 1930), Earl Lovelace (né en 1935) et Roy Heath (1926-2008), l'auteur de...
  • POSTCOLONIALES ANGLOPHONES (LITTÉRATURES)

    • Écrit par Jean-Pierre DURIX, Vanessa GUIGNERY
    • 9 074 mots
    • 5 médias
    ...premiers Européens, agissant au nom de Dieu, les auraient délivrés ». Cependant, cet intérêt particulier pour un passé qu'ils se réapproprient n'empêche pas certains écrivains postcoloniaux, comme le Barbadien George Lamming (1927-2022) dans son roman Of Age and Innocence (1958 ; Âge et innocence, 1986),...

Voir aussi