Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

HARDIN GARRETT (1915-2003)

Le biologiste Garrett James Hardin est l’une des figures marquantes du mouvement écologiste américain des années 1960. Il est devenu célèbre grâce à la parution, en 1968, dans la revue Science, de son article « The Tragedy of the Commons » (« La tragédie des communs »), dans lequel il entend démontrer l’incompatibilité entre la propriété commune d’une ressource et son exploitation durable. Cet argument sera utilisé, pendant toutes les décennies 1970 et 1980 (et encore parfois aujourd’hui), pour expliquer que la gestion durable d’une ressource n’est possible que si celle-ci est, soit possédée par un individu, soit gérée par l’État. La propriété et la gestion par des communautés et des groupes, au contraire, y sont décrites comme menant inexorablement à la destruction de la ressource, à la « tragédie ».

Né le 21 avril 1915 à Dallas, Garrett Hardin s’oriente vers des études scientifiques. Il entre, avant la Seconde Guerre mondiale, à l’université de Chicago. Il y suit un cursus en biologie et rencontre Warder C. Allee (1885-1955), qui devient son mentor. Allee le forme à ce qu’on nomme alors l’« écologie animale », c’est-à-dire à l’étude des populations animales (mammifères, oiseaux… ou même de micro-organismes), analysées sous l’angle de leurs interactions avec le milieu environnant. Ce champ de recherche est à ce moment-là en plein développement. Les biologistes cherchent à établir des lois générales, qui pourraient être étendues aux hommes. Ces lois, espèrent-ils, permettraient de prévoir l’évolution démographique des populations animales et humaines, en fonction des ressources de leur environnement. Hardin se passionne pour le sujet et va à l’université de Stanford pour mener une thèse sur ce thème (en l’appliquant à des organismes unicellulaires), qu’il présentera avec succès en 1941.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Réformé à cause des séquelles d’une poliomyélite contractée à l’âge de quatre ans, il travaille pendant la guerre dans un laboratoire à Stanford. En 1946, il accepte un poste au sein de ce qui deviendra l’université de Californie à Santa Barbara. Il y passera plus de quarante ans, soit toute sa carrière, à enseigner la biologie. Il ne fait alors plus de recherche, mais se consacre à la vulgarisation scientifique, à la réflexion pédagogique, et surtout à sa grande passion : le militantisme sur les questions sociales et politiques.

Hardin est l’homme d’une cause qu’il a embrassée dès les années 1930, le néomalthusianisme, courant de pensée inspiré des écrits du pasteur et économiste anglais Thomas Robert Malthus (1766-1834). La thèse centrale de Malthus est que les populations humaines ont une tendance irréversible à croître et que, si l’on ne se donne pas les moyens de l’empêcher, cette expansion mène fatalement à la pénurie alimentaire, à la famine et à la violence. Pour Hardin, l’écologie animale a démontré que Malthus avait raison, et qu’il faut agir en conséquence.

Dès les années 1930 et jusqu’à sa mort en 2003, Hardin applique cette grille de lecture à la fois aux États-Unis, aux pays du tiers-monde et à la planète tout entière. Nous sommes déjà trop nombreux, et nous nous multiplions de plus en plus, explique-t-il. Et cela risque de mener à un épuisement des ressources naturelles et à une destruction des environnements. L’une de ses réponses, à partir des années 1950, est son engagement combatif pour la diffusion des contraceptifs et la légalisation de l’avortement.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Avec Paul R. Ehrlich, l’auteur du best-seller The Population Bomb, (La Bombe P, qui paraît, comme « La tragédie des communs », en 1968), Hardin devient l’une des deux grandes figures du militantisme à la fois écologiste et néomalthusien spécifique aux États-Unis. Le raisonnement et les conclusions de la « tragédie » (soit la propriété individuelle, soit l’État) servent de guide aux mouvements de protection de la nature. Mais le profil de Hardin détonne : au sein de ce mouvement plutôt ancré à gauche, il professe des convictions conservatrices et antiégalitaires. Elles l’amèneront, à la fin de sa vie, à embrasser un dernier combat : la lutte contre l’immigration aux États-Unis, au nom de la protection des ressources et de l’environnement.

Il est frappant de constater la méconnaissance, en Europe de la personnalité et des engagements de Garrett Hardin. Deux choses l’expliquent : le succès immense de la « tragédie », qui a fini par occulter les convictions néomalthusiennes et eugénistes de son auteur, mais aussi l’ancrage de son engagement dans une culture politique propre aux États-Unis, souvent mal comprise de l’autre côté de l’Atlantique.

Unis dans tous leurs engagements, Hardin et sa femme Jane se suicident le 14 septembre 2003, dans leur maison de Santa Barbara.

— Fabien LOCHER

Bibliographie

P. R. Ehrlich, The Population Bomb, Ballantine Books, New York, 1968

G. Hardin, « The Tragedy of the commons », Science, vol. 162, no 3859, pp. 1243-1248, 1968

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

F. Locher, « Les pâturages de la guerre froide : Garrett Hardin et la “Tragédie des communs” », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 60-1, pp. 7-36, 2013 ; « Third world pastures. The historical roots of the commons paradigm (1965-1990) »,no 1/2016,Quaderni storici, pp. 303-333, 2016.

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • THE TRAGEDY OF THE COMMONS (G. Hardin)

    • Écrit par
    • 964 mots

    « The Tragedy of the commons », en français « La tragédie des communs » (et non « des biens communs »), est un article écrit par le biologiste et militant écologiste américain Garrett Hardin. Depuis sa publication en décembre 1968 dans la revue Science, ce texte a eu une grande influence...

  • COMMUNS

    • Écrit par
    • 3 992 mots
    • 4 médias
    En 1968, le biologiste et écologisteGarrett Hardin publie dans la revue Science un article intitulé « The Tragedy of the Commons » où il décrit une pâture laissée en libre accès à des éleveurs qui, pour maximiser leurs intérêts individuels, augmentent tellement le nombre d’animaux qui s’y nourrissent,...

Voir aussi