FRANCE L'année politique 2013
L’année 2013 semble ne pas avoir été particulièrement heureuse pour les Français, dont une série d’études montre le pessimisme toujours grandissant. Alors que l’économie se trouvait dans un état de quasi-stagnation, entraînant une augmentation du chômage, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a dû composer avec une opinion majoritairement défiante, alors que l’impopularité de François Hollande connaissait des niveaux record pour un président de la République en exercice. L’opposition n’a pas su faire taire ses divisions, l’extrême droite et ses idées ont apparemment progressé dans l’opinion. Assez logiquement, cette situation s’est accompagnée d’une montée de la contestation sociale.
Une politique économique hésitante
Les indicateurs de l’économie française pour l’année 2013 sont préoccupants. La croissance est estimée à 0,2 p. 100 tout au plus en fin d’année. Si le pays connaît bien une légère inversion de la courbe du chômage en octobre 2013 (première baisse depuis avril 2011), celle-ci est essentiellement due aux emplois aidés, qui pèsent fortement sur les finances publiques – le succès des emplois d’avenir mis en place par le gouvernement est en effet relativement important, ce qui est loin d’être le cas des contrats de génération (dispositif de maintien dans l’emploi d’un « senior » en échange de l’embauche d’un jeune, promesse de campagne du candidat Hollande en 2012). Au demeurant, le chômage repart à la hausse dès novembre 2013. L’économie privée, elle, continue de perdre des emplois (108 000 en un an). En une année, le nombre des chômeurs de plus de cinquante ans augmente de 11,5 p. 100, celui des chômeurs de longue durée (sans emploi depuis plus d’un an) de 14,6 p. 100. Le marché du travail est de plus en plus fermé aux non-qualifiés, et les difficultés d’insertion sur marché de l’emploi de certains diplômés bac + 5 deviennent préoccupantes. Les nombreux plans sociaux et les multiples fermetures d’entreprises (44 000 entreprises liquidées en un an) expliquent cette dégradation de la situation de l’emploi. Le repli des investissements se poursuit (sept trimestres consécutifs de baisse), tout comme celui de la consommation des ménages et celui des exportations.
La situation des finances publiques reste alarmante. La dette publique continue d’augmenter. On l’estime à 95,1 p. 100 du P.I.B. à la fin de 2013, contre 90 p. 100 en 2012 et 64 p. 100 en 2007. Avec 173,7 milliards d’euros, l’endettement des collectivités territoriales est lui aussi préoccupant. Le taux des prélèvements obligatoires doit pourtant atteindre 46,1 p. 100 du P.I.B. en 2014, contre 45 p. 100 en 2012 et 43,2 p. 100 en 2007. En effet, le principal instrument de lutte contre le déficit, prévu à 3,6 p. 100 du P.I.B. en 2014 (contre 4,8 p. 100 en 2012 et 7,5 p. 100 en 2009), est bien plus l’augmentation des impôts que la réduction des dépenses. La diminution des dépenses publiques prévue dans le budget 2014 est de 14,8 milliards d’euros (9 milliards de coupes dans les budgets des ministères, 5,8 milliards d’économies sur celui de la sécurité sociale) et devrait être équivalente en 2015. De nombreux analystes considèrent que cet effort est insuffisant. Comme le souligne la Cour des comptes, l’objectif d’un déficit de 3 p. 100 du P.I.B. sera difficile à atteindre et demandera une rigueur accrue, d’autant que les recettes fiscales sont en baisse en raison de la mauvaise santé de l’économie française. Le 8 novembre, Standard & Poor’s dégrade une seconde fois la note de la France (de AA+ à AA), alors que l’agence avait déjà abaissé sa note de AAA à AA+ en janvier 2012, suivie par Moody’s en novembre 2012, puis par Fitch en juillet 2013.
Dans ces circonstances, la politique du gouvernement français peine à convaincre. Celui-ci est en particulier confronté à ce que le ministre de l’Économie et des Finances Pierre Moscovici qualifie de « ras-le-bol » fiscal. Ce sujet fait en outre l’objet de nombre de déclarations gouvernementales contradictoires : alors que le président de la République avait annoncé que, dans la mesure du possible, il n’y aurait plus de nouvelles hausses d’impôts en 2014, le Premier ministre déclare qu’il n’y aura pas de pause fiscale avant 2015. Alors que la réforme fiscale promise par François Hollande pendant sa campagne semblait enterrée en septembre, le Premier ministre annonce une remise à plat de la fiscalité en novembre, laissant craindre du même coup de nouvelles augmentations d’impôts. Le gouvernement annonce d’abord son intention de taxer l’excédent brut d’exploitation des entreprises, mais il opte finalement pour une augmentation de l’impôt sur les sociétés. Il annonce une augmentation de la fiscalité de l’épargne, mais fait encore machine arrière et la limite aux produits d’assurance-vie. De nombreux acteurs économiques se plaignent de ces atermoiements et rappellent qu’ils ont besoin d’une certaine stabilité pour prévoir à quelle fiscalité ils seront soumis. Le « pacte de responsabilité », proposé par le président de la République lors de ses vœux du 31 décembre 2013, semble toutefois prendre en compte les préoccupations des entreprises relatives aux charges et à la fiscalité, mais il devra être précisé en 2014.
Sur le plan industriel, le gouvernement affirme sa volonté d’enrayer le déclin du pays dans ce secteur, continu depuis plus d’une dizaine d’années. L’industrie représente en effet 11 p. 100 du P.I.B. en France, contre 23 p. 100 en Allemagne et 17 p. 100 en Italie. L’industrie, tout comme le secteur des services, connaît de sérieux problèmes de compétitivité. En septembre, le président de la République annonce le lancement de trente-quatre plans (pour un total de 37 milliards d’euros) qui doivent permettre de réindustrialiser la France. Ces plans sont essentiellement financés par le grand emprunt et associent l’État et des entreprises autour de grands projets. Le gouvernement réactive également le Fonds de développement économique et social (F.D.E.S.), doté de 300 millions, pour aider les entreprises en difficulté, principalement petites et moyennes. La réussite de ce nouveau « colbertisme » reste cependant conditionnée à un changement sensible du climat économique.
Le gouvernement peut toutefois se prévaloir de deux réussites importantes en décembre. Sans conflit social majeur, il obtient le vote définitif par l’Assemblée nationale d’une nouvelle réforme des retraites, qui se traduit par un allongement progressif (à 43 années) de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Elle prévoit également une prise en compte de la pénibilité, ainsi qu’une valorisation des petites retraites. Mais cette réforme n’est sans doute qu’une réforme de plus, et elle ne sera vraisemblablement pas la dernière. Enfin, en décembre encore, le gouvernement parvient à faire signer par les partenaires sociaux un accord important sur la formation professionnelle. Cet accord devrait se traduire par une loi au début de l’année 2014.
Autre déconvenue pour le pays : la France recule à nouveau dans le classement P.I.S.A. (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) de l’O.C.D.E. Elle occupe désormais la vingt-cinquième place sur les soixante-cinq pays évalués, ce qui suscite de nombreuses interrogations sur la façon de tenir compte de ces résultats préoccupants dans les futures réformes de l’Éducation nationale.
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Écrit par
- Nicolas TENZER : président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique, enseignant à Sciences Po, Paris
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