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FIRDOUSI (940 env.-env. 1020)

La vérité de l'épopée

Dans le miroir de l'épopée, l'histoire ne peut découvrir que son image déformée ; l'épopée a sa vérité, on ne saurait lui reprocher l'anachronisme. Tout le Shāhnāmè est habillé à la sassanide comme on habillait en gentilshommes les mages des tapisseries d'Occident. Firdousi ouvre son poème par une louange au Dieu unique, « Seigneur de l'âme et de la sagesse » ; y fait suite un éloge de la sagesse, « le meilleur don de Dieu » ; déjà, pour Zoroastre, la première Entité était le seigneur sage, Ahoura Mazdā ; le modèle des rois sassanides sera le roi sage. Le récit épique débute avec l'histoire de Kayoumars̱. Dans la tradition avestique, ce Gayômart était devenu le premier des mortels, leur prototype. Ici, il est le premier roi, prototype des rois : ce qui lui arrive arrivera à tous les rois. Roi glorieux au printemps du monde, il a un fils qui lui ressemble, Siyāmak, riche en talents et désirant le renom. Son seul ennemi est Ahriman, « Esprit mauvais », mauvais de nature et d'intention. Ce Dīv a un fils haineux ; il convoita le trône et tua Siyāmak. Un ange poussa Kayoumars̱ à faire venger son fils ; Siyāmak avait un fils, Houshang, « tout intelligence et culture », qui, avec une armée de fauves, mit en pièces le Dīv ; la vengeance obtenue, Kayoumars̱ mourut. Voilà dessiné le modèle des cycles du Shāhnāmè : la majesté royale et bienfaisante doit subir l'affront du Malin envieux ; la vengeance est la seule réparation juste ; la mort atteint même les rois. La première sagesse, qui ne s'acquiert qu'à l'expérience, est de savoir qu'ainsi va le monde. La solution est de fuir le monde en une mort devancée, comme fit Key Khosrow, « patron » de Chosroès le Sassanide.

Firdousi a aimé décrire l'aventure humaine, il a aimé raconter des combats, suivre des drames de conscience, peindre des caractères ; il a fait corps avec ces histoires d'antan « pour les rajeunir ». Mais dès qu'il réfléchit, il ne trouve à ce monde « ni queue, ni tête » ; il veut qu'on ne s'en chagrine pas et à tout moment il nous dicte une sagesse qui incite à la patience, sur la rive de ce flot qui roule.

Pendant un siècle, Firdousi eut des imitateurs qui complétèrent son poème, puisant surtout aux légendes du Sistān. L'épopée nationale déclina ensuite parce que l'ensemble de la culture se détourna du passé. Mais sa marque sur la littérature persane fut définitive. On loua les hauts faits de princes sur le mode épique ; certains épisodes furent transposés en épopées spirituelles, telle l'histoire de Key Khosrow par Sohravardi ; la figure de Rostam fut transposée dans la littérature russe. Poète de la fin d'un temps, Firdousi fut en réalité un guide et une source pour de nombreuses générations.

— Charles-Henri de FOUCHÉCOUR

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Pour citer cet article

Charles-Henri de FOUCHÉCOUR. FIRDOUSI (940 env.-env. 1020) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Le Livre des rois</it>, poème perse - crédits :  Bridgeman Images

Le Livre des rois, poème perse

Miniature moghole, feuille du Shah-name - crédits :  Bridgeman Images

Miniature moghole, feuille du Shah-name

Autres références

  • DAQĪQĪ ABŪ MANṢŪR MUḤAMMAD IBN AḤMAD (mort en 976/81)

    • Écrit par Michèle ÉPINETTE
    • 230 mots

    Panégyriste des princes samanides, Abū Mansūr Muḥammad ibn-Aḥmād Daqīqī est l'un des plus grands poètes du xe siècle.

    Sur l'ordre du souverain samanide Abū Ṣalāh Mansūr ibn-Nūh, il commence la versification d'un poème épique appartenant à la tradition nationale, connu sous le nom de...

Voir aussi