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PIGNON-ERNEST ERNEST (1942- )

Parfois la joie, la musique

On le voit : les œuvres d'Ernest Pignon-Ernest sont souvent tragiques, liées à l'horreur des temps et à la condition des hommes à toute époque... Les images de Prométhée et de son aigle, les figures du Christ souffrant et de sa mère douloureuse, les ombres des morts d'Hiroshima hantent bon nombre de ses dessins.

En même temps, la joie de vivre, la sensualité ont leur place dans ce travail. D'abord s'y manifestent le plaisir du dessin et le bonheur de peindre la nudité des corps, même s'il s'agit souvent de corps douloureux. D'autre part, certains événements créés par l'artiste sont des événements heureux.

En 1980, à Certaldo, ville de Toscane, où est né Boccace, il dessine des hommes et des femmes nus, vus de dos, qui escaladent les murs, grimpent vers les fenêtres, animés d'une permanente envie d'amour.

En 1982, pour un soir, à Uzeste, village près de Bordeaux, il dessine une cinquantaine de portraits de musiciens : Stravinski, Scarlatti, le dialogue imaginaire de Vincent Scotto, Wagner et Billie Holiday, Schubert et Mahler à la même fenêtre, Beethoven sur l'église. Pendant un soir, des musiciens ont joué, tandis qu'un feu d'artifice éclairait les dessins. « L'art, dit à ce propos l'artiste, c'est vraiment le contraire de l'économie d'énergie. » Et la joie naît aussi de cette dépense, de ce bonheur du don, lié à l'éphémère, lié au refus de thésauriser... Selon l'artiste, rien ne sera jamais trop beau, trop travaillé avant de disparaître. La menace même de la disparition, la fragilité constituent des charmes... La musique aussi et les improvisations en particulier ont une existence brève et inoubliable, comme les œuvres éphémères.

En 1997, Ernest Pignon-Ernest a collé des sérigraphies dans plusieurs centaines de cabines téléphoniques à Paris, à Lyon, choisissant ce symbole de la vie urbaine, la cabine téléphonique, lieu qui expose et qui isole, tout à la fois, celui qui s'y attarde. Dans la Préface du catalogue de l'exposition Ernest Pignon-Ernest. Derrrière la vitre qui s'est tenue à la galerie Lelong à Paris (1997), Régis Debray parle, à juste titre, de ces « habitacles trompeusement anodins ».

Ernest Pignon-Ernest entretient un libre dialogue avec les grandes figures mystiques chrétiennes, dont il présente sept portraits imaginés, Extases (2008), à la chapelle Saint-Charles d’Avignon. En 2009, il rend hommage au poète palestinien Mahmoud Darwich en collant des portraits de l'artiste dans des lieux emblématiques de la Cisjordanie et dans les ruines du village de naissance du poète, à al-Birwa en Israël.

Après une intervention dans la prison désaffectée de Saint-Paul à Lyon pour les journées du patrimoine de 2012, cet artiste, que l’on peut considérer comme un précurseur du street art, expose, à Paris, à la galerie Lelong (2014), l’ensemble photographique et les dessins préparatoires liés à cette manifestation éphémère.

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Écrit par

  • : professeur émérite de philosophie de l'art à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art, écrivain

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Pour citer cet article

Gilbert LASCAULT. PIGNON-ERNEST ERNEST (1942- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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