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EMMANUEL-PHILIBERT (1528-1580) duc de Savoie (1553-1580)

Fils de Charles III (1504-1553), le malchanceux, et de Béatrix de Portugal, Emmanuel-Philibert de Savoie est à peine âgé de huit ans quand les troupes françaises et suisses occupent, pour une durée de vingt-trois ans, la quasi-totalité de l'État savoyard à l'exception de Nice, de Vercelli et de la vallée d'Aoste. Occupation qui est, en réalité, une annexion pure et simple. Aussi le jeune homme est-il placé au service de la maison d'Autriche et participe-t-il, en 1547, à la bataille de Mühlberg ; il devient ensuite gouverneur des Pays-Bas espagnols et remporte, en tant que tel, le 10 août 1557, la grande bataille de Saint-Quentin, se plaçant au tout premier rang des hommes de guerre de l'époque. Les services ainsi rendus à la cause espagnole sont récompensés au traité de Cateau-Cambrésis en 1559 : on lui restitue ses États et il épouse Marguerite de France, fille de François Ier et de Claude de France (1524-1574). Il doit, cependant, concéder aux Suisses, par les traités de Lausanne (en 1564) et d'Évian (en 1569), le pays de Vaud et la partie du Chablais proche du lac de Genève. Ainsi renaît ce curieux État double, chevauchant les Alpes, détenteur du col clef du mont Cenis et de ses accès, vallées de la Doire Ripaire et de la Maurienne. L'indépendance de cet État est désormais une pièce essentielle de l'équilibre européen qui découle de l'impossibilité pour la couronne de France comme pour la monarchie espagnole de l'emporter l'une sur l'autre. Le nouveau prince consacre la primauté du Piémont sur la Savoie en transférant officiellement la capitale, de Chambéry (5 000 hab.), où il ne reste plus que la seule Chambre des comptes et où le parlement installé sous l'occupation française est remplacé par le sénat de Savoie, à Turin (1 500 hab.). Emmanuel-Philibert met ainsi le point final à une évolution amorcée depuis le début du xve siècle. À l'extérieur, le duc appuie, face à Genève, la politique de reconquête catholique symbolisée par François de Sales, qui reconvertit le Chablais. D'où l'hostilité de la couronne de France, qui réplique au soutien par la Savoie des cantons suisses catholiques, par le traité de Soleure (dit de protection), alliance de fait entre la France et les cantons suisses protestants, donc de Genève (alors république alliée aux cantons). À l'intérieur, le prince soutient la Contre-Réforme : installation des Jésuites en 1561, application des décrets du concile de Trente, création du séminaire de Mondoci, entre autres. Sur le plan politique, Emmanuel-Philibert est un précurseur des souverains absolus : il limite les pouvoirs des assemblées d'État, crée un noyau d'armée permanente, dans la mesure où l'équilibre budgétaire le lui permet, pousse au développement économique pour consolider l'appareil étatique. Ainsi s'explique la primauté sans cesse accrue du riche Piémont par rapport à une Savoie montagnarde précocement surpeuplée et devenue, à l'orée du xvie siècle, comme la Suisse sa voisine, château d'hommes, fournisseur d'une émigration temporaire et permanente importante. Dans le Piémont, la paix retrouvée et l'ordre rétabli — encore que l'occupation française ne semble avoir guère entravé la croissance démographique — favorisent le développement économique. La fin du règne est cependant assombrie par la recrudescence des épidémies de peste, au début des années 1570-1580. Ces difficultés, dues au surpeuplement relatif, ne freinent pas l'essor urbain, particulièrement marqué par le développement de Turin, où la concentration de la noblesse du pays et la centralisation politique se traduisent par une intense fièvre de construction. Après le difficile et peu glorieux règne du roi Charles III, mort en 1553, celui d'Emmanuel-Philibert (1553-1580) marque, dans tous les domaines, la brillante[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes

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Pour citer cet article

Jean MEYER. EMMANUEL-PHILIBERT (1528-1580) duc de Savoie (1553-1580) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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