ÉGYPTE ANTIQUE (Civilisation)L'art
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La statuaire
Portraits d'éternité, les rondes-bosses figent les personnages dans des attitudes canoniques ; nulle disgrâce n'afflige leur corps, nulle émotion, nulle souffrance n'affecte leurs traits. Expression pour les rois de l'essence sacrée de la monarchie et consécration pour les dignitaires de leur réussite sociale, la statue transcende les contingences de la condition humaine. Tout signe particulier traduit moins une réalité physique qu'une qualité hautement revendiquée : l'embonpoint reflète une carrière florissante, les stigmates de l'âge la sagesse conférée par l'expérience. La ressemblance avec le modèle vivant n'est donc qu'accessoirement le but recherché, si bien que nombre d'effigies de particuliers s'inspirent du modèle créé pour leurs souverains, imité parfois pendant plusieurs générations. Les cas d'usurpation sont également fréquents, le nouveau propriétaire se contentant de faire regratter l'ancien nom et de retoucher parfois d'infimes détails.
Le portrait royal
Les statues des rois de l'époque thinite et de l'Ancien Empire, qui proviennent pour la plupart des complexes funéraires pharaoniques, représentent les souverains dans l'acmé de leur existence : les corps, peu individualisés, sont robustes, les visages, plus nettement personnalisés, affichent une autorité souveraine. Les innovations concernent moins le style que les attitudes. Le premier exemple dûment authentifié montre le troisième roi de la IIe dynastie, Nynetjer, en posture assise, engoncé dans le court manteau blanc du jubilé, les mains repliées sur le buste, la tête coiffée de la couronne blanche conique. Cette œuvre en albâtre, de petite dimension (13,5 cm), apparaît comme le prototype des effigies des règnes suivants, de taille plus imposante. Celles de Khasekhemouy en greywacke (pierre cristalline gris foncé), datant de la même dynastie, portent sur le socle des silhouettes de rebelles de Basse-Égypte avec la mention de leur nombre : presque cinquante mille, ce qui n'a à l'évidence aucune prétention à l'exactitude. Il s'agit non de relater un événement, mais de glorifier les capacités guerrières du souverain. Le motif sera transformé pour Djeser et bien d'autres souverains après lui en l'image de neuf arcs écrasés par les pieds du monarque. À partir de la IVe dynastie, les pharaons sont représentés debout ou assis, volontiers vêtus du pagne court, la chendjit, seuls ou dans des groupes statuaires, soit avec leur épouse, renvoyant alors à la notion de permanence dynastique, soit associé à des divinités ou à des entités géographiques. Transcription du thème de l'identification du roi d'Égypte au dieu Horus, l'ensemble inauguré pour Chéphren, combinant l'effigie du souverain et celle du faucon enserrant de ses ailes la tête du pharaon, est appelé à un long succès, quelles qu'en soient les variantes : rapace tourné vers la droite sous Pepi Ier (VIe dynastie) ou dominant de sa haute taille la frêle silhouette de Nectanébo II (XXXe dynastie), à moins que le corps de l'oiseau ne se fonde avec celui du souverain (statue de la XVIIIe dynastie attribuée à Thoutmosis III). La série des triades originellement dressées dans le temple de la vallée de Mykérinos à Giza regroupant le roi, Hathor et la personnification d'un nome (circonscription administrative de l'Égypte), qui devait, quand elle était complète, fournir le répertoire des lieux de culte alors dédiés à la déesse, traduit l'intimité des liens unissant celle-ci au souverain, à la fois son fils et son époux. Pepi Ier lui exprime sa dévotion par la consécration, dans son temple de Dendera, d'une statuette d'un type encore inédit éternisant le pharaon dans le geste de l'offrande, à genoux, les mains fermées sur deux vases globulaires. L'Ancien Empire voit aussi naître, sous Pepi II, la tradition des effigies de roi-enfant, selon deux codes opposés : pharaon miniaturisé assis sur les genoux de sa mère ou au contraire bambin vigoureux, accroupi et nu, portant l'index à la bouche. S'il existe une explication historique à ces œuvres, Pepi II étant monté à un âge précoce sur le trône, elles trouvent avant tout leur source dans la croyance en la prédestination royale et dans l'idée que l'impétuosité de la jeunesse est une vertu indispensable à l'exercice du pouvoir.
Triade de Mykérinos, Guizeh, Égypte
Mykérinos, qui construisit la troisième pyramide de Guizeh, est représenté entouré de la déesse Hathor et d'une des divinités du nome (province d'Égypte). Statue en granit. Pyramide de Mykérinos, Guizeh. Musée égyptien, Le Caire.
Crédits : Bridgeman Images
Sous le Moyen Empire, un double courant se fait jour. Dans les temples funéraires de la région memphite, les effigies des rois de la XIIe dynastie sont à la ressemblance de celles de leurs prédéces [...]
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Écrit par :
- Annie FORGEAU : maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne, docteur d'État
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Pour citer l’article
Annie FORGEAU, « ÉGYPTE ANTIQUE (Civilisation) - L'art », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 02 février 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/egypte-antique-civilisation-l-art/