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JACOBS EDGAR-PIERRE (1904-1987)

Des héros qui ont survécu à leur créateur

Blake et Mortimer sont désormais aux mains d'autres auteurs qui s'efforcent de « faire du Jacobs » : Ted Benoît (dessin) et Jean Van Hamme (scénario) ont réalisé L'Affaire Francis Blake (1996) et L'Étrange Rendez-vous (2001), André Juillard (dessin) et Yves Sente (scénario), La Machination Voronov (1999-2000), Les Sarcophages du 6e continent (2003-2004) et Le Sanctuaire de Gondwana (2008). Ces aventures se déroulent chronologiquement, non pas à la suite du dernier épisode de Jacobs, mais dans les années 1950 – un arrière-plan historique permettant même de les dater de façon précise, contrairement aux récits de Jacobs, qui non seulement ne faisaient aucune allusion à l'actualité, mais se situaient de toute façon dans une uchronie volontaire (puisque le premier épisode, Le Secret de l'Espadon, décrivait une Troisième Guerre mondiale).

Même si ces histoires apocryphes sont habiles, il est difficile de les considérer autrement que comme des pastiches car, en raison même de leur fidélité graphique et idéologique à leur modèle, elles ne correspondent à rien d'actuel, tant dans la forme que sur le fond. En effet, outre des conceptions narratives déjà obsolètes à son époque (surabondance du texte, souvent redondant avec l'image), Jacobs représentait un monde fort éloigné du nôtre : celui de la « guerre froide », d'une Angleterre dominatrice, d'une société élitiste où une aristocratie composée de hauts fonctionnaires et de savants guide un petit peuple naturellement déférent, où les représentants de la grande industrie et de la finance sont totalement absents, et où un auteur de bandes dessinées ose prôner des valeurs morales à ses lecteurs. Mais Jacobs, à la fin de sa vie, semblait « las de ce monde ancien ». Finalement plus audacieux que ses successeurs, il songeait à un épisode où Blake et Mortimer seraient vaincus par leur ennemi de toujours, Olrik, qui, en même temps que des deux héros trop positifs, triompherait aussi – et surtout – de la morale.

— Dominique PETITFAUX

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Pour citer cet article

Dominique PETITFAUX. JACOBS EDGAR-PIERRE (1904-1987) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>La Marque Jaune</it>, E. P. Jacobs - crédits : 2008 Editions Blake et Mortimer/ Studio Jacobs m. v. DARGAUD-LOMBARD s.a.

La Marque Jaune, E. P. Jacobs

Autres références

  • BANDE DESSINÉE

    • Écrit par Dominique PETITFAUX
    • 22 913 mots
    • 15 médias
    Dans le sillage d’Hergé, figure tutélaire du magazine, on trouve principalement Edgar Pierre Jacobs (1904-1987), qui, dans Blake et Mortimer (1946), allie le réalisme au merveilleux scientifique ; Paul Cuvelier (1923-1978), dessinateur sensuel des aventures, dans l’Inde du xviiie siècle, du jeune...

Voir aussi