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ÉCONOMIE (Histoire de la pensée économique) L'école classique

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L'égalisation des taux de profit

Cette critique est liée étroitement à une autre, plus fondamentale encore. Smith détermine les prix naturels en supposant donnés les taux de salaire, de profit et de rente, les salaires, les profits et les rentes étant les composantes du prix naturel. La théorie de la rente différentielle va cependant permettre d'exclure celle-ci des composantes des prix. En conséquence de quoi, le revenu national n'a plus que deux composantes : salaires et profit. Si l'une des deux composantes s'accroît, on doit alors nécessairement s'attendre à ce que l'autre diminue. L'une et l'autre sont donc reliées et il n'est par conséquent pas possible qu'elles soient données de façon indépendante, comme le suppose Smith.

Cette critique suppose un raisonnement typiquement ricardien, à l'échelle de l'économie globale. Or Smith, qui intitule son ouvrage majeur de 1776 la Richesse des nations (An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations), ne définit jamais explicitement ce qu'est une nation (du point de vue économique), c'est-à-dire la dimension de l'économie considérée. Plus précisément, Smith considère que chaque marchandise dispose d'un marché d'une étendue spécifique. Par exemple, l'étendue du marché des métaux précieux est mondiale (l'argent d'Amérique est vendu en Extrême-Orient) et l'étendue du marché de la pierre à bâtir est locale. La dimension « nationale » de l'économie n'est donc pas une donnée macroéconomique et c'est pourquoi il n'existe pas à proprement parler de théorie de l'échange international chez Smith.

David Ricardo - crédits : AKG-images

David Ricardo

En revanche, Ricardo définit l'économie comme l'espace de circulation du capital. En d'autres termes, c'est le champ d'exercice de la concurrence des capitaux qui détermine la dimension de l'économie. Si cette concurrence joue librement, s'il n'existe pas de « frottements », elle est supposée s'exercer jusqu'à ce que les taux de profit s'égalisent entre eux. Le prix relatif de deux marchandises est alors tel qu'il rapporte un taux de profit identique à leurs possesseurs. Comme le fera remarquer Marx, qui prendra à son compte l'essentiel de cette analyse (Livre III du Capital), lorsque cette situation est atteinte, il est indifférent de posséder telle ou telle fraction du capital de la société. Tout se passe alors comme si chaque capitaliste individuel était propriétaire « d'une part aliquote » du capital social. La société capitaliste est alors constituée.

Cette situation est très proche de ce que la théorie de l'équilibre général, bien plus tard, désignera comme équilibre : les plans des acteurs (les capitalistes) sont mutuellement compatibles, en ce sens qu'aucun d'entre eux n'est incité à modifier son allocation. Il n'existe pas d'allocation du capital (entre les firmes et entre les branches) qui soit préférable à une autre. Néanmoins, pour éviter toute ambiguïté, mieux vaut parler ici de système de prix naturels (ou prix de production, selon Marx), plutôt que de système de prix d'équilibre.

Ce système de prix naturels a une propriété normative : lorsque les prix des marchandises sont tels que les taux de profit sont égaux, le capital n'est pas « gaspillé », ce qui serait le cas si un capital rapportait un taux de profit plus faible qu'un autre.

L'égalisation des taux de profit par la concurrence des capitaux définit donc une économie. Il résulte de cette analyse que les échanges entre deux économies n'y sont pas, eux, et par définition, soumis. La théorie ricardienne des coûts comparatifs montre néanmoins que les échanges internationaux sont mutuellement avantageux mais semble s'arrêter à ce point. Il est, de ce fait, courant[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, directeur du pôle d'histoire de l'analyse et des représentations économiques (C.N.R.S., universités de Paris-X et Paris-I)

Classification

Pour citer cet article

Daniel DIATKINE. ÉCONOMIE (Histoire de la pensée économique) - L'école classique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Karl Marx - crédits : Courtesy of the trustees of the British Museum

Karl Marx

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François Quesnay

David Ricardo - crédits : AKG-images

David Ricardo

Autres références

  • MARITIMISATION DE L'ÉCONOMIE

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    • 3 979 mots
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    Depuis l’Antiquité, la voie maritime a permis aux navigateurs de commercer en transportant dans leurs navires des quantités de marchandises très supérieures à celles que permettaient les voies terrestres – ainsi, les Égyptiens, qui allaient jusqu’à Sumatra quelque 1200 ans avant notre ère ou, plus...