Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MEDVEDEV DMITRI (1965- )

Article modifié le

Président de la Fédération de Russie (2008-2012) et Premier ministre de la Fédération de Russie de 2012 à 2020.

Alors que l'Occident avait voulu voir dans la désignation de Dmitri Medvedev comme dauphin par Vladimir Poutine, en décembre 2007, une manœuvre permettant à celui-ci de sauvegarder à la fois les apparences démocratiques et son pouvoir, son arrivée à la présidence de la Fédération russe aura néanmoins réanimé quelque espoir, notamment chez ceux qui, persuadés du caractère cyclique de l'histoire politique russe, en attendaient un nouveau dégel.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Dmitri Medvedev, né à Leningrad le 14 septembre 1965, incarne une génération nouvelle : il est issu d'une famille d'intellectuels qui n'a pas été marquée par l'histoire russo-soviétique tourmentée ; il n'est pas passé par le Parti communiste.

Juriste de formation (il a obtenu un doctorat de droit en 1990), comme Mikhaïl Gorbatchev et Vladimir Poutine, il est cependant le premier des trois à avoir une pratique concrète du droit : il a travaillé comme expert juridique à la mairie de Leningrad/Saint-Pétersbourg (au sein du comité des relations extérieures piloté par Poutine), ainsi que dans une entreprise mixte russo-suisse et dans un cabinet de consultants, créé avec des condisciples. Il a également enseigné le droit entre 1990 et 1999.

Ce praticien entame une carrière politique à la fin de 1999, quand Vladimir Poutine, devenu Premier ministre, l'appelle à Moscou. Directeur de la campagne présidentielle de mars 2000, « le Vizir » prend peu à peu pied dans diverses instances centrales : l'appareil du gouvernement, l'administration présidentielle, dont il prend la tête en octobre 2003, consacrant l'éviction d'Alexandre Volochine, proche de Boris Eltsine, le conseil d'administration de Gazprom (juin 2000), le Conseil de sécurité (novembre 2003).

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Mais ce n'est qu'en octobre 2005 qu'il est propulsé sur le devant de la scène publique, quand il est nommé vice-Premier ministre en charge des « Projets nationaux » destinés à améliorer le quotidien des Russes : on le voit dès lors visitant étables et maternités modèles. Cette image tutélaire le fait apparaître comme une colombe face au faucon, le ministre de la Défense Sergueï Ivanov, quand se pose la question de la succession de Vladimir Poutine, la Constitution interdisant à ce dernier de briguer un troisième mandat.

Poutine entretient le suspense et le scénario final n'est connu qu'à l'issue des élections législatives de décembre 2007. Formellement, ce sont les dirigeants de quatre partis proches du Kremlin qui, le 10 décembre, proposent la candidature de Dmitri Medvedev à l'élection présidentielle, lequel exprime aussitôt son désir de travailler avec Poutine comme Premier ministre. Les jeux sont faits et le candidat, alléguant sa charge de travail, ne participe pas aux « débats » électoraux. Il ne reste plus qu'à assurer la participation à des élections sans surprise : le 2 mars 2008, il est élu président de la Fédération de Russie, avec 70,22 % des suffrages, pour un taux de participation de 69 %.

Le poids politique du Premier ministre crée de facto un bicéphalisme diversement perçu. Des optimistes parlent d'une « tandemocratie » ouvrant enfin la porte à la concurrence politique, quand d'autres soulignent que le dispositif, qui n'est pas le fruit d'un vrai compromis entre élites, introduit un flou dommageable, dont pourrait profiter une bureaucratie toujours suspecte.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Beaucoup s'interrogent également sur le degré de confiance existant entre les deux hommes (la décision de Vladimir Poutine de prendre la tête de Russie unie accréditant l'idée qu'il cherche à verrouiller le système) et sur la marge de manœuvre du nouveau président.

Vladimir Poutine semble avoir reproduit ce qu'avait fait Boris Eltsine en choisissant un successeur dont le profil est l'opposé du sien et les analystes se demandent dans quelle mesure la différence stylistique entre les deux hommes peut se traduire en inflexions nouvelles dans la politique.

Certes, les tribunes choisies par Dmitri Medvedev pour prononcer les discours programmatiques de sa campagne électorale sont emblématiques : le Forum civique, qui met en scène le dialogue avec la société civile, et le congrès de l'Union des juristes. Faisant écho au slogan de « dictature de la loi » brandi par Poutine lors de son arrivée au pouvoir, Medvedev entame une croisade contre le « nihilisme juridique » russe et la corruption. De même, lors du conflit armé avec la Géorgie, qu'il doit gérer dès son arrivée au pouvoir (août 2008), il prend soin de s'appuyer sur la Constitution.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

À l'automne de 2009, dans son discours à la nation dynamiquement intitulé « En avant la Russie », il lance un thème qui n'est pas sans rappeler les débats qui animaient l'URSS de la perestroïka : la nécessaire modernisation.

Si ses gestes pour assouplir le système politique restent des plus timides, sa volonté d'assainissement du système judiciaire, voire de l'establishment politique, est plus déterminée : Medvedev limoge plusieurs chefs de région, dont le maire de Moscou, Iouri Loujkov. Mais s'il se pose en défenseur des entrepreneurs face à des bureaucrates qui leur font vivre un « cauchemar » (sic), il n'accorde pas l'amnistie attendue à l'oligarque Mikhaïl Khodorkovski qui, au contraire, voit sa peine allongée à l'issue d'un second procès en décembre 2010.

Au fil du temps, le nouveau président gagne en assurance et en popularité, mais sa capacité à s'émanciper de l'autorité de celui qui l'a porté au pouvoir reste problématique, même s'il laisse entendre qu'il briguerait volontiers un second mandat.

Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev, 2012 - crédits : en.kremlin.ru ; CC-BY 4.0

Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev, 2012

Aussi, pour ceux qui avaient placé en lui un espoir de vraie modernisation tant politique qu'économique, la déception est-elle grande quand, en septembre 2011, Vladimir Poutine annonce son intention de revenir à la tête de l'État. Le fait que Dmitri Medvedev accepte les fonctions de Premier ministre que son « mentor » lui offre achève alors de le déconsidérer, même si pendant la période agitée qui sépare la présidentielle (4 mars 2012) de la prise de fonction du nouveau président (7 mai 2012), il adopte quelques mesures, supposées libéraliser le système politique et favoriser le pluripartisme. Il remplace également Vladimir Poutine à la tête du parti Russie unie.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Dmitri Medvedev dirige ensuite, sous les feux de la critique du président, un Conseil des ministres qui n'a pas les moyens financiers de la politique sociale qu'il est supposé mener. Les sondages reflètent la popularité déclinante d'un homme politique qui n'a pas réussi à s'imposer et a fait de nombreux déçus. Cependant, quand le président Poutine est réélu en 2018, il reconduit Dmitri Medvedev dans ses fonctions. Ce dernier démissionne avec l’ensemble du gouvernement en janvier 2020, lorsque le président annonce une réforme constitutionnelle. Il est remplacé par Mikhaïl Michoustine. Dmitri Medvedev est alors nommé vice-président du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie.

— Myriam DÉSERT

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeure émérite en civilisation russe à Sorbonne-université
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Média

Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev, 2012 - crédits : en.kremlin.ru ; CC-BY 4.0

Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev, 2012

Autres références

  • POUTINE VLADIMIR (1952- )

    • Écrit par
    • 2 180 mots
    • 3 médias
    ...troisième. Le choix de Vladimir Poutine lors de la présidentielle de 2008 est finalement ambigu. Il affiche son respect de la Loi fondamentale, mais désigne son dauphin, Dmitri Medvedev, dans une procédure toute dynastique. Et surtout, il garde les rênes de l'exécutif en devenant Premier ministre. Il prend...
  • RUSSIE (Le territoire et les hommes) - La Fédération de Russie

    • Écrit par et
    • 18 020 mots
    • 10 médias
    ...gouvernement en tant que Premier ministre, non sans avoir désigné aux électeurs, dans une procédure toute dynastique, celui qu'il souhaite comme successeur. Confortablement élu dès le premier tour, Dmitri Medvedev renonce quatre ans plus tard à briguer un second mandat de président et c'est Vladimir Poutine...
  • UKRAINE

    • Écrit par , , , , et
    • 40 347 mots
    • 17 médias
    Cette politique de la main tendue atteint un seuil critique avec les accords de Kharkiv, signés par Viktor Ianoukovitch et Dmitri Medvedev en avril 2010 ; ils prolongent de vingt-cinq ans (jusqu’en 2042 au lieu de 2017) le bail russe sur la base navale de Sébastopol, en Crimée, et autorisent officiellement...

Voir aussi