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SIQUEIROS DAVID ALFARO (1896-1974)

Peintre mexicain, David Alfaro Siqueiros a toujours mené de front la pratique picturale et la pratique politique. Déjà, en 1914, il participa à la fameuse grève « politico-pédagogique » déclenchée par les étudiants mexicains. À dix-huit ans, il s'engage dans la révolution de Zapata en lutte contre la dictature de Huerta. Vers 1918, il participe au Congrès des artistes soldats et se rend ensuite en Europe avec une bourse du gouvernement mexicain. À Paris, le peintre découvre Cézanne et Picasso, mais il rencontre également un compatriote, Diego Rivera, avec lequel il va élaborer les lignes maîtresses d'un renouveau de la peinture qui devra être désormais « héroïque et populaire ». De cette collaboration naîtra l'Appel aux artistes d'Amérique, écrit dans lequel Rivera et Siqueiros énoncent la nouvelle iconographie populaire. Vers 1922, Siqueiros réalise ses premières décorations murales, genre auquel il s'adonnera jusqu'à la fin de sa vie. Cependant, l'action politique est toujours au premier plan et l'artiste devient, en 1923, secrétaire du Syndicat des peintres, sculpteurs et graveurs révolutionnaires. En 1936, Siqueiros participe à la guerre d'Espagne et, rentré en Amérique après la défaite des républicains, il crée plusieurs compositions de très grandes dimensions (Cuauhtémoc contre le mythe, 1944, 75 m2 ; Plaidoyer pour la sécurité de la vie de tous les Mexicains, 1952, 300 m2, hôpital de Zona, Mexico).

Le peintre est emprisonné plusieurs fois au cours des années trente ; en 1939, il s'exile à la suite de son implication dans une tentative d'assassinat de Trotski ; il est à nouveau arrêté en 1960. Libéré en 1965, il se consacre, dans la dernière partie de sa vie, à la recherche de nouveaux matériaux qu'il intègre à ses peintures murales (1967, sculpto-peinture pour le palais de Cuernavaca, œuvre composée de métal et de matériaux divers).

La peinture de Siqueiros est indissociable du contexte socio-économique du Mexique et des changements apportés par la révolution de 1910. À une période où l'art européen semblait se diriger vers l'élaboration formelle d'un espace abstrait, le peintre mexicain semble, au contraire, utiliser l'espace traditionnel pour obtenir une figuration monumentale et populaire. Le contenu idéologique exprimé par sa peinture murale est enraciné à la fois dans le folklore latino-américain et dans la culture précolombienne. Cependant, vers 1940, l'artiste, qui avait exploité la puissance évocatrice de l'art traditionnel de son pays, semble vouloir renouveler son iconographie. Dans ce but, il va assimiler et élaborer les acquis de l'expressionnisme, du futurisme et du surréalisme (1939, Procès au fascisme, Syndicat des travailleurs de l'électricité, Mexico).

L'aspect le plus novateur de l'œuvre de Siqueiros ne semble pourtant pas se situer au niveau du contenu, car trop souvent le caractère didactique l'emporte sur la liberté d'expression. Les nouveautés les plus marquantes sont formelles, en particulier la conception de l'espace. Siqueiros a progressivement abandonné l'espace unitaire traditionnel pour mettre en œuvre des espaces multiples et dynamiques doués d'un grand pouvoir émotionnel. En exploitant toutes les possibilités des concaves et convexes, en créant une peinture qui s'étend sur des plans multiples, morcelée en découpages cinématographiques, l'artiste mexicain a insufflé une vie nouvelle à un mode d'expression, la peinture murale, qui avait connu une éclipse presque totale.

— Charles SALA

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

Classification

Pour citer cet article

Charles SALA. SIQUEIROS DAVID ALFARO (1896-1974) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MURALISME

    • Écrit par Claude FELL
    • 2 231 mots

    En juillet 1921, le peintre Diego Rivera (1886-1957) rentre au Mexique après quatorze années passées en Europe, notamment en Espagne et à Paris. Il a également passé un an en Italie où il a longuement médité sur les fresques de Padoue, de Ravenne, d'Assise et de Sicile. De retour au...

  • OROZCO JOSÉ CLEMENTE (1883-1949)

    • Écrit par Charles SALA
    • 460 mots

    Peintre mexicain, José Clemente Orozco participa pour la première fois à une manifestation artistique importante en 1910, lors de l'exposition d'art mexicain organisée par le docteur Atl. Ce dernier, amateur d'art et partisan d'un renouveau de la peinture mexicaine, a exercé une grande influence...

  • RIVERA DIEGO (1886-1957)

    • Écrit par Charles SALA
    • 572 mots

    Peintre mexicain, originaire de Guanajuato, Diego Rivera a suivi dans sa jeunesse les cours de l'école des beaux-arts de Mexico. Il se libérera de l'académisme espagnol (en particulier de l'influence de Velázquez) à la suite d'un séjour à Paris. C'est en effet dans la capitale française que le...

Voir aussi