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COMMERCE, revue littéraire

La revue Commerce, « Cahiers trimestriels publiés par les soins de Paul Valéry, Léon-Paul Fargue, Valery Larbaud », donna vingt-neuf livraisons, de 1924 à 1932. Cette revue littéraire naît à l'ombre de la princesse de Bassiano et de ses proches. Outre les trois « phares » susnommés, Commerce comptera quelques autres collaborateurs influents : Saint-John Perse, Giuseppe Ungaretti, Bernard Groethuysen... Ces deux derniers s'avéreront très précieux lorsque la revue explorera les domaines italien et allemand.

En marge de l'effervescence de l'époque (c'est en 1924 que paraît le premier numéro de La Révolution surréaliste !), Commerce fréquente avec éclectisme et sans tapage les cimes les plus hautes de la littérature du moment, tout en exhumant des maîtres oubliés qui sont aujourd'hui reconnus comme références indiscutées : Büchner, Hölderlin, Maurice Scève... pour ne prendre que ces trois exemples.

C'est Paul Valéry lui-même qui ouvre la série par une Lettre qui n'a rien d'un manifeste : « Je me méfie de tous les mots, car la moindre méditation rend absurde que l'on s'y fie. » Et c'est encore Valéry qui affirmera, dans le tout dernier numéro : « J'ignore ce que la poésiedoit être. Je ne puis ni ne veux savoir ce qu'elle sera. » Est-ce assez s'affirmer étranger aux dogmes et passions ?

Cette circonspection ne détourne pas Commerce de bien des hardiesses ponctuelles, à commencer, dès le premier numéro, par la publication de fragments de l'Ulysse de Joyce, introduits par Valery Larbaud. On trouve dans le numéro 2 Une vague de rêve d'Aragon, entre un extrait de Monsieur Teste et des poèmes de Rilke. De son côté, Breton donnera Sur le peu de réalité et le début de Nadja. Au fil des livraisons, on relève encore les noms d'Artaud, de Michaux, de Giono, de Jouhandeau, de Follain...

Commerce est bien sûr un support idéal pour le grand lecteur et découvreur qu'est Valery Larbaud dont le texte Ce Vice impuni, la lecture commence à paraître dans la première livraison. Larbaud exprime sa conception positive d'une élite littéraire qui, bien loin de dérober quelque chose à la masse des lecteurs, inaugure la lente imprégnation des œuvres les plus exigeantes. D'emblée, le champ littéraire s'affirme dans toute son étendue : littératures passées ou présentes, proches ou lointaines. Le domaine français n'en est jamais le centre. Commerce publie Maître Eckart et Leopardi, Eliot et Kafka, des textes zen (Les Dix Étapes dans l'art de garder la vache) aussi bien que les Hain-tenys de Madagascar, rapportés et commentés par Jean Paulhan.

Commerce est de ces revues qui brillent par leur sérénité : littérature d'abord, place aux grandes individualités, dont le côtoiement n'a nul besoin d'être justifié par des thèmes ou des théories hâtives : les œuvres parlent d'elles-mêmes. Précisons que la revue — reprise par André Dalmas et Marcelle Fonfreide — reparaîtra à partir de 1963 sous le titre de Nouveau Commerce, avec notamment des textes d'Emmanuel Lévinas, Djuna Barnes, Maurice Blanchot, Pierre Pachet, Claude Mouchard. Cent numéros seront publiés.

— Jacques JOUET

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Jacques JOUET. COMMERCE, revue littéraire [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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