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RANSMAYR CHRISTOPH (1954- )

Personnalité atypique dans le paysage littéraire autrichien, Christoph Ransmayr, né en 1954 à Wels, près de Linz, est l'écrivain de l'extrême par excellence. Avec une grande cohérence thématique et stylistique, il ne cesse de décrire et d'interroger des situations qui mettent en péril tant l'être humain que la vie, la planète, l'univers. Déclins, effondrements, disparitions, pertes et ruines sont son champ de prédilection. Son intérêt pour ces thèmes l'a fait connaître alors que, jeune reporter il décrivait – comme le naufrage ultime de la monarchie austro-hongroise – l'enterrement de la dernière impératrice d'Autriche, Zita, ou la découverte de cultures ensevelies sous le sol autrichien à l'occasion de la construction du barrage de Kaprun et de l'ensevelissement de sa vallée sous les eaux. En écho, derrière la voix de Ransmayr, on percevait celle du chantre de la désagrégation, le poète Georg Trakl, autrichien lui aussi.

Il serait hasardeux d'en déduire que les romans de Ransmayr se complaisent dans la morbidité. La flamboyance de l'origine de l'univers et le chaos apocalyptique qui marquent sa fin se côtoient ici dans un contraste saisissant. Son premier texte, programmatique, Strahlender Untergang (Naufrage resplendissant, 1982), qui accompagne des photos d'un paysage totalement déshumanisé d'une beauté fascinante, et annonce la vision cosmique de l'écrivain.

Révélé au grand public par son roman Die Schrecken des Eises und der Finsternis (1984 ; Les Effrois de la glace et des ténèbres, 1989), Ransmayr inaugure avec ce texte une trame narrative qu'il utilisera par la suite dans d'autres œuvres. À partir d'un fait réel – l'expédition austro-hongroise partie à la découverte de l'Arctique en 1872, prise dans les glaces de l'hiver et condamnée à rentrer à pied pour éviter de mourir de froid et sans doute aussi de faim –, l'écrivain entraîne ses protagonistes du centre du monde vers sa périphérie, jusqu'aux limites de la survie. Son intention n'est pas de rédiger la chronique d'une expédition, mais de la confronter au travail de l'historien et d'interroger les mythes, à commencer par celui du centre comme lieu de la civilisation dont la rationalité est mise en échec par l'anarchie apparente des contrées aux confins du monde barbare. Ainsi dans Die letzte Welt (1988 ; Le Dernier Monde, 1989) l'auteur narre l'itinéraire – aux sens propre et figuré – d'un proscrit, à la recherche du poète Ovide, relégué par l'empereur Auguste sur les rives de la mer Noire, dans l'espoir de retrouver non seulement le poète mais aussi le manuscrit des Métamorphoses. À peine, arrivé il découvre un univers étrange où se mêlent rêve et réalité, passé et présent. De mystérieuses rencontres lui feront prendre conscience que toute vie n'est que mutation et métamorphose.

Grand voyageur, alpiniste confirmé, Christoph Ransmayr a accompagné en 1998, dans l'Himalaya, son ami l'alpiniste tyrolien Reinhold Messner, le premier à avoir escaladé l'Everest sans avoir recours à l'oxygène. Cette expérience lui a fourni le matériau initial de son roman épique et en vers Der fliegende Berg (2006 ; La Montagne volante, 2008). Au cours de son voyage, l'auteur a découvert une croyance populaire selon laquelle les montagnes seraient des astres tombés du ciel, capables de s'élever parfois dans les airs pour y flotter au-dessus des nuages. Ce mythe populaire, Ransmayr le transforme en une obsession quasi religieuse qui s'exprime dans le désir d'arpenter le monde, y compris les territoires non encore sillonnés par l'homme. Symbole d'une conception archaïque du monde, la montagne volante s'oppose à la rationalité qui voudrait que tout ce qui existe s'inscrive dans la logique d'une[...]

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Écrit par

  • : directrice de l'association Les Amis du roi des Aulnes, traductrice

Classification

Pour citer cet article

Nicole BARY. RANSMAYR CHRISTOPH (1954- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LA MONTAGNE VOLANTE (C. Ransmayr)

    • Écrit par Nicole BARY
    • 983 mots

    Né en 1954, l'Autrichien Christoph Ransmayr aime écrire des récits de voyage qui entraînent leurs protagonistes jusqu'aux limites de l'extrême : Les Effrois de la glace et des ténèbres (1984, trad. franç. 1989) retraçaient l'expédition austro-hongroise partie à la découverte de...

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