CHÔMAGE Définition et mesure
Bien que le statut de chômeur ne date que des années 1930, l'appréhension du phénomène paraît évidente : il suffit de compter ceux qui « ne travaillent pas » alors qu'ils « veulent travailler ». Les difficultés commencent quand on veut préciser les situations entre guillemets de manière à pouvoir isoler les individus correspondants et mesurer la grandeur ainsi définie. Il faut notamment distinguer entre l'emploi, le chômage et l'inactivité (termes à définir), ainsi qu'entre le simple souhait (« Je voudrais travailler... ») et la recherche d'emploi (accomplissement de démarches qui, elles-mêmes, peuvent être précisées dans le but de révéler la volonté d'accéder à un emploi).
Ces difficultés continuent quand on s'aperçoit qu'il existe deux sortes de sources d'informations chiffrées sur le chômage : les opérations ad hoc, conçues spécialement pour le mesurer (seul ou avec d'autres phénomènes sociaux), et les sous-produits d'une activité administrative le concernant. Dans la première catégorie se trouvent les enquêtes par sondage et les recensements de la population ; dans la seconde, l'exploitation des fichiers des bureaux de placement et d'aide aux chômeurs. Il faut immédiatement remarquer que, dans ce dernier cas, les effectifs des inscrits auprès de ces bureaux peuvent varier de façon indépendante du chômage : il suffit, par exemple, que l'indemnisation cesse de concerner une certaine catégorie de personnes déjà inscrites pour que ses effectifs baissent et, avec eux, le nombre de chômeurs comptabilisés à partir de cette source administrative.
Mais cette manière de voir est encore fausse. La théorie des mesures physiques montre qu'on ne peut définir la grandeur préalablement à sa mesure (Rudolph Carnap l'exprime clairement dans les Fondements philosophiques de la Physique : « Mais en réalité le concept quantitatif s'élabore à partir des procédés de mesure. ») ; nous essayerons de donner l'intuition qu'il en est de même pour la mesure du chômage.
Diversité des approches
On rattache notamment à la procédure de mesure le mode de collecte, la conception des questionnaires destinés aux opérations ad hoc ou les catégories instituées des bureaux de placement ainsi que l'exploitation des réponses en vue de construire les tableaux chiffrés. On verra que cette procédure de mesure est un élément de la construction de la définition du phénomène mesuré, définition que nous appellerons « opératoire ».
Comparaisons internationales
Il existe donc, dans un pays donné, une pluralité de procédures de mesure et de définitions qu'il est déjà pratiquement impossible de comparer. À une plus grande échelle, comparer entre pays l'importance du chômage et son évolution nécessite une définition et une procédure si possible communes et indépendantes des réglementations nationales en vigueur. C'est ce qu'ont essayé de construire les statisticiens du travail sous l'égide du Bureau international du travail (B.I.T.). Leurs dernières « recommandations » datent de leur XIIIe conférence (1982) ; elles sont depuis lors plus ou moins suivies au moment des enquêtes nationales annuelles (parfois trimestrielles) auprès des ménages, et servent pour l'harmonisation des statistiques nationales par des organismes internationaux comme le B.I.T., l'O.C.D.E., etc. La tentative la plus élaborée d'harmonisation autour de la définition du B.I.T. est réalisée par l'Office statistique de la Communauté européenne E (Eurostat). 'Mais même depuis l'application du règlement européen par les États membres, la comparaison des populations actives, des effectifs de chômeurs et des taux de chômage reste délicate.
Contrairement aux apparences, le chômage est une forme d'activité : est présumé[...]
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Écrit par
- Jean-Étienne MESTRE : ancien élève de l'E.N.S.E.T., assistant agrégé à l'université de Paris-I
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Média
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