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CASABLANCA, film de Michael Curtiz

Un film prototype

Avec Casablanca, il s'agissait surtout pour les studios de la Warner Bros de faire une réplique du mélodrame à succès Algiers (1938) de John Cromwell, qui avait permis de renflouer les fonds du studio concurrent, les Artistes Associés. Les droits de la pièce initiale, Everybody Comes to Rick's, sont rachetés pour la modique somme de 20 000 dollars. Soucieuse d'accélérer le processus, la production engage le tournage sur un scénario non terminé et des dialogues approximatifs. Dans son autobiographie (Ma vie, 1980), Ingrid Bergman raconte : « ...Personne ne savait où allait le film, personne ne savait comment il se terminerait, ce qui ne nous aidait guère à définir nos personnages... Je demandais constamment de qui j'étais vraiment amoureuse : Paul Henreid ou Humphrey Bogart ? à quoi Curtiz répondait : nous ne savons pas encore. Joue-le „entre deux“. » Cette large part donnée à l'improvisation contribuera sans doute au succès du film, consacrant le travail de réalisateur. Plus d'une trentaine de nationalités différentes coexistent sur un plateau reconstituant la casbah en studio. Sa construction autour d'une unité de lieu, le café Rick, accentue l'atmosphère théâtrale. Le film consacre aussi un duo d'acteurs opposant Humphrey Bogart, aventurier et alcoolique, à Ingrid Bergman, femme énigmatique, tous deux révélés au public de l'après-guerre. L'anachronisme et la fantaisie du scénario renforcent le caractère novateur du film pour l'époque. Ils se dégagent des techniques rodées de fabrication de la Warner Bros pour dérouler de nouvelles recettes scénaristiques. En pleine guerre, l'invraisemblable rattrape l'histoire au présent, fictionnalisant une Europe envahie, alors que Roosevelt, Churchill et de Gaulle se rencontreront en janvier 1943 à Casablanca. Il concrétise enfin auprès du public l'entrée définitive des Américains dans la Seconde Guerre mondiale.

Imprévisible, le film deviendra réellement populaire : oscar du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario en 1944. Distribué plus tardivement en France, après 1946, dans un pays sevré de films américains entre 1941 et 1945, Casablanca érigera Bogart en mythe et fer de lance d'une reconquête hollywoodienne de l'Europe. Dans Play it Again, Sam ! (Tombe les filles et tais-toi !, d'Hubert Ross, 1969), le scénariste Woody Allen revendiquera cet héritage posthume.

— Kristian FEIGELSON

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Écrit par

  • : maître de conférences, sociologue à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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Pour citer cet article

Kristian FEIGELSON. CASABLANCA, film de Michael Curtiz [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Casablanca, M. Curtiz - crédits : Picture Post/ Moviepix/ Getty Images

Casablanca, M. Curtiz

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