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BAUBÔ

Dans sa course errante à la recherche de sa fille, c'est dans le bourg d'Éleusis que l'inconsolable Déméter, métamorphosée en vieille femme, rompt son deuil en se mettant à rire. Une double tradition raconte comment des mots et des gestes obscènes ont diverti et soulagé la sainte mère.

Dans l'Hymne homérique à Déméter (192-211), c'est la bonne Iambè qui déride la déesse à force de plaisanteries grossières. Du contenu de ces paroles obscènes, le poète ne dit rien, mais l'efficacité des propos de Iambè est assurée. En effet, Déméter rit, rompt son deuil et cesse de jeûner en acceptant de boire le kukeôn (un breuvage fait de farine, d'eau et de pouliot) que lui offre Métanire, l'épouse de Kéléos et l'hôtesse des lieux.

La Baubô des Pères de l'Église joue un rôle comparable à celui de Iambè. Mais, là où Iambè réussit à apaiser la déesse en lui lançant des propos incongrus, Baubô ne réussit pas, par son discours, à convaincre Déméter d'abandonner son deuil maternel. Baubô change alors de manière et passe à l'action : surprenant Déméter, elle lui offre un spectacle prodigieux, en retroussant son péplos. Ce dévoilement impudique (anasurma) provoqua le rire de la mère endeuillée qui accepte, ici également, de boire le kukeôn que lui offre Baubô. Les polémistes chrétiens, qui attribuent aux orphiques le récit du geste obscène, conservent deux versions de cette scène incongrue. Clément d'Alexandrie (Protreptique, II, xx, 1-xxi, 2), suivi par Eusèbe de Césarée (Praeparatio evangelica, II, iii, 31-35), raconte que le jeune Iacchos se trouvait sous le vêtement retroussé de Baubô, riant et agitant sa main. Tandis qu'Arnobe (Adversus nationes, V, 25-26) présente une version différente, et plus détaillée, où le sexe dévoilé de Baubô prend, grâce à une opération cosmétique, l'aspect d'une figure d'enfant.

Ce « spectacle » (théama, spectaculum), qui signe la fin du deuil de Déméter, a donné lieu à de nombreuses interprétations. Généralement, les historiens y ont vu un mythe étiologique justifiant des rites de fécondité ; et certains spécialistes ont voulu reconnaître en Baubô le souvenir mythique des manipulations d'objets sexuels à Éleusis.

Des statuettes trouvées au début du xxe siècle dans le temple de Déméter et de Korè (~ ive s.) à Priène (éd. T. Wiegand et H. Schrader, Berlin, 1904) ont été identifiées à Baubô. Ces figurines en terre cuite représentent une tête disproportionnée, posée sans intermédiaire sur une paire de jambes. Au centre de ce corps atrophié, le visage, toujours de face, avec un nez et deux yeux à la hauteur des seins. Sous la bouche, la marque d'un sexe féminin. Une chevelure abondante enserre ces figures pubiennes à l'anatomie impossible. Ces « Baubô » de Priène confondent la tête, le ventre et le sexe féminin.

Baubô, dont le nom évoque le geste et les murmures du bercement des nourrices (Empédocle, Diels, fragm. 153), a aussi été identifiée, indifféremment, à diverses catégories de représentations, magiques, mythiques ou rituelles, du sexe féminin. D'une manière générale, Baubô a donc été associée, souvent confusément, à tout ce qui concerne les « aischrologies » dans le monde antique, en particulier aux mots et aux objets obscènes qui évoquent les choses du féminin.

— Maurice OLENDER

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Écrit par

  • : assistant associé à l'École pratique des hautes études, (Ve section, sciences religieuses)

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Pour citer cet article

Maurice OLENDER. BAUBÔ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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