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AXIONS

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L’asymétrie forte entre la matière et l’antimatière et le paramètre θ

L’étude des transformations qui laissent invariant un système physique – ce qu’on appelle ses symétries – est primordiale dans la construction d’une théorie physique. L’analyse des propriétés de symétrie des interactions fortes décrites par une version quelconque de la QCD révèle rapidement une difficulté majeure : la symétrie entre matière et antimatière qu’on observe dans toutes les réactions nucléaires fortes est fortement violée si θ n’est pas strictement nul. Une détermination expérimentale particulièrement précise de ce paramètre θ est la mesure du moment électrique dipolaire du neutron, qui quantifie la façon dont réagit un neutron lorsqu’il est soumis à un champ électrique. Les données expérimentales indiquent que θ est plus petit qu’un milliardième. La nature indique donc, avec une précision remarquable, que θ = 0. La quasi-totalité des physiciens s’attache donc à tester et appliquer cette version de la QCD (avec θ = 0) qui, cinquante ans après sa construction, apparaît bien comme la meilleure description des interactions fortes entre les constituants de la matière nucléaire, sans pour autant prétendre au rang d’une théorie achevée. De ce fait, lorsque des physiciens parlent de la QCD, cela signifie généralement qu’ils admettent que θ = 0.

En 1977, deux théoriciens américains, Roberto Peccei et Helen Quinn, de l’université Stanford (Californie) proposent une façon radicalement nouvelle de considérer le problème : plutôt qu’un paramètre θ, ils introduisent une nouvelle symétrie abstraite explicitement brisée par la présence des multiples « vides quantiques » responsables de l’existence du paramètre θ. Comme dans le mécanisme de Higgs pour la théorie électrofaible, la brisure spontanée de cette nouvelle symétrie se traduit par l’apparition d’un nouveau boson. Un an plus tard, Steven Weinberg (Prix Nobel 1979) et Frank Wilczek (Prix Nobel 2004) démontrent de façon indépendante que cette nouvelle particule est soumise à un potentiel effectif dont le minimum correspond à un champ nul, ce qui correspond à une valeur nulle de θ. Weinberg appelle la nouvelle particule un higglet, par référence au boson de Higgs ; Wilczek l’appelle axion, car comme une lessive son rôle est de « nettoyer la chromodynamique quantique d’un défaut majeur ». Cette dénomination sera bientôt acceptée par les spécialistes.

Dans une telle approche, la valeur nulle de θ n’est pas le résultat d’un choix arbitraire, mais est due à une évolution dynamique des interactions dans l’histoire de l’Univers. Après leur formation (par exemple par le mécanisme à deux photons), les axions causent une asymétrie forte entre la matière et l’antimatière, et le paramètre θ possède alors une valeur quelconque, mais qui décroît rapidement pour rejoindre la valeur minimale du potentiel qui le gouverne. Après une période de stabilisation, les axions atteignent donc un état quantique correspondant à θ = 0. Aujourd’hui, l’interaction forte ne provoque plus aucune asymétrie entre matière et antimatière et il n’y a plus trace de la valeur initiale du paramètre θ ; cependant, les axions existent, sont produits et détruits dans diverses réactions, objets fossiles d’une ère révolue, mais aussi particules élémentaires qui doivent apparaître dans les réactions nucléaires et que les physiciens se doivent de détecter.

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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Pour citer cet article

Bernard PIRE. AXIONS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 25/01/2023

Médias

Détection de l’axion : « la lumière qui traverse le mur » - crédits : Encyclopædia Universalis France

Détection de l’axion : « la lumière qui traverse le mur »

Détection des axions solaires - crédits : Brice Maximilien/ 2021-2022 CERN ; CC-BY 4.0

Détection des axions solaires

Autres références

  • MASSE CACHÉE ou MASSE MANQUANTE ou MATIÈRE NOIRE

    • Écrit par
    • 3 644 mots
    ...possède-t-il une masse qui lui confère un rôle cosmologique ; nous aurons cependant du mal à les détecter. Parmi les multiples autres suggestions, citons les « axions », dont l'existence est postulée mais non prouvée, dans le cadre de la théorie des interactions fortes. Si leurs masses – a priori arbitraires...