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AVORTEMENT

L'avortement provoqué, ou interruption volontaire de grossesse (IVG) – à distinguer de l'avortement spontané, ou fausse couche – est une pratique très ancienne que les législations du xixe et du début du xxe siècle condamnaient de manière quasi universelle. Parallèlement aux progrès de la médecine, les luttes féministes des années 1960-1970 ont fait du droit des femmes à maîtriser leur fécondité et à disposer de leur corps, et donc du droit à l'avortement, l'une de leurs principales revendications. En général, les législations sur la question ont d'abord évolué dans le sens d'une dépénalisation, puis d'une sorte de « tolérance », plutôt qu'en accordant un droit proprement dit à l'avortement. Ce fut notamment le cas, en France, en 1975, de la loi Veil, texte qui disait réserver l'interruption volontaire de grossesse aux situations de « détresse » et l'encadrait fortement (entretiens à visée dissuasive, délai de réflexion…). Depuis les années 1960, les adversaires du « droit à l'avortement » n'ont jamais cessé de le contester, lui opposant un « droit à la vie » de l'enfant à naître.

La situation de l'avortement dans le monde reste extrêmement variée. De nombreux États continuent de l'interdire, d'autres protègent la liberté d'avorter dans leur législation, voire dans leur Constitution (la France depuis 2024, la Californie depuis 2022, mais aussi, de manière moins explicite, l'Afrique du Sud ou le Guatemala). En 2022, la décision de la Cour suprême des États-Unis (arrêt Dobbs) – qui a abandonné la protection fédérale de l'avortement introduite un demi-siècle auparavant par la même Cour dans l'arrêt Roe v. Wade – a montré que les adversaires du droit à l'avortement continuent de disposer de puissants relais dans certaines sociétés.

Les luttes pour la légalisation de l'avortement en France

L'avortement provoqué a toujours été une pratique largement répandue dans tous les pays et à toutes les époques. Diverses méthodes empiriques étaient utilisées par les femmes elles-mêmes ou par des tierces personnes, avec les risques plus ou moins graves qu'elles comportaient : mortalité, infections (tétanos), hémorragies, embolies, stérilité définitive… Interdit en France par l'article 317 du Code pénal de 1810, complété par deux lois de 1920 et 1923, l'avortement fut longtemps difficile à chiffrer. Dans son livre Des enfants malgré nous (1956), qui fit scandale parce qu'il dénonçait avec précision l'horreur de l'avortement clandestin, Jacques Derogy donnait le chiffre, sans doute excessif, d'un million d'avortements par an. Au début des années 1970, les évaluations les plus sérieuses faisaient état d'environ 300 000 avortements par an.

La dénonciation des conditions misérables – et illégales – imposées aux femmes devant avorter, particulièrement aux plus pauvres, forgea un puissant levier de révolte et de libération à partir des années 1960. Les conditions socio-économiques et les progrès de la médecine permirent aux femmes de conquérir de nouveaux droits, au nom du principe de libre disposition de leur corps et de la maîtrise de leur fécondité. Les mouvements féministes et l'écho favorable qu'ils rencontrèrent dans l'opinion publique furent en grande partie à l'origine des réglementations plus libérales sur l'avortement adoptées en Europe comme aux États-Unis et au Canada à partir des années 1970. Cette libéralisation de l'avortement a été condamnée pour des raisons éthiques et religieuses, en particulier par l'Église catholique, et reste violemment combattue par des mouvements très actifs en Amérique et en Europe.

En France, la loi du 17 janvier 1975, dite loi Veil, vise à mettre[...]

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Écrit par

  • : professeur de droit public, université Paris Nanterre
  • : professeur de science politique
  • : docteur ès sciences biologiques, ancien maître de recherche au C.N.R.S., journaliste scientifique
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis, Thomas HOCHMANN, Muriel ROUYER et Odette THIBAULT. AVORTEMENT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Gisèle Halimi lors du procès de Bobigny, 1972 - crédits : Michel Artault/ Apis/ Sygma/ Getty Images

Gisèle Halimi lors du procès de Bobigny, 1972

Simone Veil, 1974 - crédits : Philippe Ledru/ AKG-images

Simone Veil, 1974

Autres références

  • CARYOTYPE HUMAIN

    • Écrit par Gabriel GACHELIN, Jean-François MATTEI, Marie-Geneviève MATTEI, Anne MONCLA
    • 4 792 mots
    • 10 médias
    ...échecs de la reproduction. En effet, ce chapitre de la pathologie longtemps méconnu et mal compris se développe depuis que l'on sait que deux tiers des avortements spontanés précoces sont liés à des anomalies chromosomiques survenues pendant la formation des gamètes et les divisions cellulaires suivantes....
  • CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - La période post-gaullienne (1969-1981)

    • Écrit par Pierre BRÉCHON
    • 6 934 mots
    • 4 médias
    ...l'importance de la jeunesse. Simone Veil, ministre de la Santé, défend devant le Parlement une loi sur l'interruption volontaire de grossesse. L'avortement est désormais autorisé après des débats parlementaires très vifs : la nouvelle législation est en fait adoptée grâce au soutien de toute...
  • FÉMINISME - France : du M.L.F. à la parité

    • Écrit par Muriel ROUYER
    • 4 272 mots
    • 1 média
    ...des féministes aux combats de gauche fut une source de division persistante du M.L.F. dès le milieu des années 1970, et jusqu'à la fin des années 1980. La question marqua notamment les campagnes en faveur de l'avortement. La mobilisation et l'action furent alors surtout le fait d'associations ad hoc telles...
  • HALIMI GISÈLE (1927-2020)

    • Écrit par Universalis, Michel MIAILLE
    • 1 335 mots
    • 1 média
    Gisèle Halimi est étroitement liée aux combats des femmes pour leur liberté et leurs droits à partir du début des années 1970. Elle est d'abord l'une des signataires du Manifeste des 343 en 1971, dénonciation de l'hypocrisie et de l'inégalité des femmes devant l'avortement...
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Voir aussi