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APLAT, peinture

Terme qualifiant à la fois une manière de poser la couleur et une technique picturale : l'aplat (« à plat ») est la plus simple expression de la peinture, que représentent parfaitement les peintures antiques et les images d'Épinal. La forme délimitée par un contour constitue une surface que l'on remplit de couleurs différentes selon les parties à identifier. L'aplat met bien en valeur la réalité chromatique. C'est la raison pour laquelle tant de peintres y sont revenus lorsqu'ils voulaient s'affirmer contre une peinture de modelé et d'effet optique. La peinture en aplat s'est tôt manifestée comme une expression majeure de l'art mural en Occident et en Extrême-Orient. Au cours du Moyen Âge roman, elle demeure une technique essentielle (peinture de Saint-Savin-sur-Gartempe). Même lorsque les peintres chercheront les effets de relief, de modelé et d'espace, pour la première couche, ils travaillent encore en aplat pour assurer une « assise » chromatique fondamentale à l'ensemble de la peinture jusqu'au moment où se développeront les pratiques de grisaille sous-jacente et de clair-obscur à partir de Van Eyck, puis de Léonard de Vinci. Botticelli lui-même, en dépit de la flexion de ses lignes de circonscription de la forme (pour reprendre une expression d'Alberti) et de son léger modelé, accorde encore une grande importance à l'aplat.

Peinture typique de l'enluminure des manuscrits (Apocalypse de Saint-Sever), expression d'une forte discipline décorative, liée aux pratiques de la tempera et de la fresque, elle tend à s'effacer devant le développement de la peinture à l'huile et la recherche de valeurs spatiales. On y revient nettement au xixe siècle : ainsi Puvis de Chavannes, Gauguin, les nabis. Mais Gauguin, comme Cézanne, exprime aussi une touche individualisée en aplat ne renonçant pas au morcellement chromatique et à une certaine modulation déjà mise en valeur par Titien et, avec une insistance toute nouvelle, par les impressionnistes, au bénéfice, cette fois, de valeurs « atmosphériques ». Les cubistes construisent leurs tableaux par grandes surfaces, comme Modigliani, Matisse, Kandinsky et les abstraits géométriques. Actuellement, le minimal art fait avec ce procédé une démonstration « élémentaire ».

À des degrés divers, il s'agit pour ces peintres de réagir contre la peinture d'« illusion » ou contre un excès de maniement de la matière (à la manière d'un Courbet, par exemple). Cela explique la mise en valeur « exemplaire » des dessins d'enfant (qui ne sont pourtant pas toujours l'expression la plus claire de cette orientation).

Il convient de distinguer la peinture en aplat de la peinture d'exécution lisse, à la manière d'Ingres par exemple, qui bien que s'inspirant comme beaucoup d'artistes néo-classiques de la technique du dessin des vases grecs, recherche le modelé et l'expression des volumes.

— Jean RUDEL

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres et sciences humaines, professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, peintre et écrivain

Classification

Pour citer cet article

Jean RUDEL. APLAT, peinture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • COLOR-FIELD PAINTING

    • Écrit par Universalis
    • 514 mots

    Le color-field painting (littéralement « peinture du champ coloré ») constitue avec l'action painting (« peinture d'action ») l'une des deux principales tendances de l'expressionnisme abstrait américain au xxe siècle. Il se caractérise par de grandes toiles où dominent...

Voir aussi