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RECALCATI ANTONIO (1938-2022)

Né en 1938 dans la banlieue de Milan, à Bresso, Antonio Recalcati, fils d'ouvrier, rêvait de devenir chanteur à la Scala. Il devint peintre, mais toute son œuvre garde la trace de ce rêve d'enfant : la « furia » d'un spectacle grandiose, où la réalité vécue acquiert les dimensions d'une épopée. Jeune héros déçu, il a présenté sa première exposition personnelle à l'âge de dix-neuf ans. Il aurait pu faire partie de ces peintres légendaires qui, comme Yves Klein ou Domenico Gnoli, sont morts trop tôt. Dès la fin de 1959, il avait trouvé sa voie, au-delà de son expressionnisme abstrait initial : une peinture d'un « vérisme halluciné » (Dino Buzzati), fondée sur l'empreinte directe de son corps ou de ses vêtements, sur des toiles recouvertes de peinture noire ou terre de Sienne. Empreintes négatives qui évoquent des rayographies et s'apparentent de loin aux œuvres de Francis Bacon, alors peu connu en Italie. En 1961, il a été invité à l'« Anti-Procès 3 », organisé par Alain Jouffroy et Jean-Jacques Lebel à la galerie Brera de Milan, où il participa à un Tableau collectif antifasciste (auquel collaborèrent également Enrico Baj, Erró, Jean-Jacques Lebel...), qui fut saisi par la police et demeura longtemps dans les caves de la préfecture de Milan. Les Empreintes de Recalcati, 1960-1962 font l'objet d'un livre d'Alain Jouffroy : « Entre l'éclair atomique et les rayons X de la recherche radiographique, y écrit-il, les Empreintes de Recalcati visent à imposer l'idée de la réduction de la peinture à l'image de l'homme qui se tient face à la toile, et qui n'a que ses mains, ses bras, son visage comme moyens d'expression, de défense et de lutte. » Les Anthropométries qu'Yves Klein peignit simultanément à Paris sont dépourvues de cette dimension tragique et participent davantage de la féerie chorégraphique : Yves Klein utilisait pour les peindre des modèles nus féminins, qu'il dirigeait à distance comme un chef d'orchestre. D'une solitude farouche, souvent agressive, Recalcati a tiré parti d'une plus grande adhésion au monde réel, fût-elle conflictuelle et politique.

En 1963, il participe à l'exposition La NuovaFigurazione au palais Strozzi de Florence, en 1964, à Nouveau Réalisme et Nouvelle Figuration aux musées d'Art moderne de La Haye, Berlin, Vienne et Bruxelles. Il partage alors sa vie entre Milan et Paris où, après avoir rencontré Gilles Aillaud et Eduardo Arroyo, il entreprend avec eux deux séries de tableaux collectifs : Une Passion dans le désert, d’après la nouvelle de Balzac, et Vivre et laisser mourir (1965). Cette dernière fait scandale, parce qu'elle dénonce avec violence – jusqu'à représenter son « passage à tabac dans un escalier » – le mythe alors grandissant de Marcel Duchamp : Gérald Gassiot-Talabot l'avait incluse dans son exposition La Figuration narrative à la galerie Creuze. Recalcati devient donc l'un des acteurs principaux de la révolution esthétique des années 1960. En 1966, il rencontre Gérard Fromanger, qui le présente à Jacques Prévert, leur premier grand défenseur à Paris. Invité en 1967 par le gouvernement cubain avec les peintres du Salon de mai, il participe au grand mural collectif de La Havane. Mêlant depuis 1963 ses « empreintes » à des paysages volontiers barrés d'une croix, évocations brumeuses ou stridentes de Paris et de New York, il est touché par les événements de mai 1968 et retournera à Milan préparer sa série Biographie imaginaire1962-1972.

Un premier voyage à New York en 1970 lui donne l'idée de la série Intérieurs américains, qui inspirera à Jacques Prévert un texte-poème où il s'identifie à la révolte d'un jeune peintre contre « la face cachée de la terre, sa face de sang, de meurtre, de rapine[...]

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Écrit par

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Classification

Pour citer cet article

Universalis et Alain JOUFFROY. RECALCATI ANTONIO (1938-2022) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AILLAUD GILLES (1928-2005)

    • Écrit par Jean JOURDHEUIL
    • 790 mots

    Né en 1928 à Paris, le peintre Gilles Aillaud, fils de l'architecte Émile Aillaud, étudia la philosophie après guerre, puis revint à la peinture qu'il avait pratiquée avec assiduité durant son adolescence. Son devenir-peintre n'eut pas lieu dans une école des Beaux-Arts mais silencieusement, dans un...

  • ARROYO EDUARDO (1937-2018)

    • Écrit par Universalis, Alain JOUFFROY
    • 1 045 mots

    Né à Madrid le 26 février 1937, Eduardo Arroyo, qui a vécu et travaillé à Paris de 1958 à 1982 en effectuant quelques séjours en Italie et à Berlin, est l'un des peintres européens les plus offensifs qui aient été révélés depuis les années 1960. Élève de l'école de journalisme de Madrid, il est...

Voir aussi