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DUPRAT ANTOINE (1463-1535)

« L'une des grandes figures de la France monarchique », selon R. Mousnier. Antoine Duprat a eu une rare et double carrière, laïque d'abord, ecclésiastique par la suite. Son ascension sociale est très rapide : à trente-trois ans, on le trouve lieutenant général du bailliage de Montferrand, puis, cinq années plus tard, en 1495, avocat général au parlement de Toulouse. Maître des requêtes en 1503, il est premier président du parlement de Paris en 1508 et, enfin, chancelier en 1515. Ayant atteint le faîte des honneurs et apparaissant après une carrière parlementaire rapide comme l'instrument du jeune roi François Ier, son veuvage en 1516 le détermine à entrer dans les ordres tout en restant chancelier. Il devient archevêque de Sens en 1525, cardinal en 1527, tout en étant légat du pape. Placé aux postes de commande de l'Église et de l'État, il est un des grands cardinaux ministres qui ont fait la monarchie absolue française. Tout dénonce son ambition, son manque presque absolu de scrupules, son désir d'amasser vite une grosse fortune dont témoignent encore les quelques restes du son tombeau de Sens (trois bas-reliefs que l'on attribue tantôt au Primatice, tantôt à Germain Pilon). Aux yeux de l'histoire, il est surtout le négociateur du concordat de Bologne, signé en 1516 entre le pape Léon X et François Ier ; mettant fin au régime d'élections ecclésiastiques instauré par la pragmatique sanction de Bourges, cet acte, en remettant aux mains du roi de France le droit de nomination aux bénéfices consistoriaux (évêchés et abbayes), conférait au prince une puissance politique sans égale. Les dommages subis par l'Église de France ont été maintes fois dénoncés. Mais on a moins dit que, conclu peu de temps avant l'apparition du luthéranisme, le concordat a empêché l'épiscopat français de virer au protestantisme et a ainsi, sans que les auteurs de l'acte aient pu le prévoir, contribué puissamment à l'échec de la Réforme en France. On retrouve un rôle analogue joué par Antoine Duprat dans le développement de l'hérédité des offices. La vénalité des offices existait, certes, avant lui. Mais, engagée dans les guerres d'Italie, et par là brutalement confrontée à l'impact politique de l'or américain, la royauté française a été obligée, face à la richesse de l'empire de Charles Quint, d'étendre considérablement la vénalité des offices pour faire entrer de l'argent dans les caisses de l'État. Or l'hérédité, sinon entièrement et définitivement reconnue dans le droit, du moins plus ou moins instaurée dans les faits, fut l'un des facteurs d'attrait exercés sur la bourgeoisie française. Partisan de la lutte contre Charles Quint, Duprat est, en outre, l'un des hommes d'État utilisé par le roi pour essayer de s'imposer sur le trône impérial (1519). Prise en main de l'Église de France, financement des guerres par l'instauration définitive de la vénalité des offices pratiquée sur une grande échelle, déficit chronique des finances, ce sont autant de traits qui définissent, jusqu'en 1789, la monarchie absolue française. Le cardinal Duprat est pour beaucoup dans cette évolution, mais plus forte a été encore la logique même de la guerre.

— Jean MEYER

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes

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Jean MEYER. DUPRAT ANTOINE (1463-1535) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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