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KARINA ANNA (1940-2019)

Icône de la nouvelle vague, Hanne Karin Bayer est née à Solbjerg, au Danemark, le 22 septembre 1940. Elle a souvent raconté ses parents séparés dès son plus jeune âge, son enfance auprès de ses grands-parents, le retour chez sa mère à la mort de sa grand-mère, les relations difficiles avec son deuxième beau-père, sa passion pour le cinéma, son rêve de devenir comédienne, enfin ses fugues à l’adolescence jusqu’à son départ définitif en auto-stop pour Paris en 1957.

À Saint-Germain-des-Prés, elle est repérée par Catherine Harlé, une imprésario de mannequins, subjuguée par ses yeux immenses qui semblent dévorer le monde. Lors d’un rendez-vous au magazine Elle, elle croise une femme distinguée, qui, à l’écoute de son nom, lui suggère : « Tu t’appelleras Anna Karina. » Il s’agit de Coco Chanel.

Son regard et son sourire généreux aimantent l’objectif des photographes. De plus en plus sollicitée, elle fait la couverture de magazines et pose pour des publicités. L’une d’elle attire l’attention de Jean-Luc Godard, qui lui propose, pour À bout de souffle, une apparition dénudée qu’elle décline. Quelques mois plus tard, en décembre 1959, il lui envoie un télégramme pour interpréter le premier rôle féminin du Petit Soldat. Comme elle est mineure, il faut faire venir sa mère de Copenhague pour signer le contrat. La relation passionnelle entre Anna Karina et Godard naît pendant le tournage du film à Genève.

Anna Karina avec Jean-Luc Godard - crédits : RDB/ Ullstein Bild/ Getty Images

Anna Karina avec Jean-Luc Godard

À la suite d’une projection privée du Petit Soldat (1960, sorti en 1963), Michel Deville engage l’actrice débutante pour son premier long-métrage, Ce soir ou jamais. En découvrant les rushes de ce film, Godard, séduit par l’énergie communicative de sa compagne, lui offre le rôle-titre d’Une femme est une femme (1961), une comédie musicale, genre adulé par Anna Karina. Elle y incarne Angela, une jeune femme qui veut un enfant à tout prix. Peu avant la fin du tournage, en décembre 1960, elle annonce à Godard qu’elle est enceinte.

À l’occasion de leur mariage, en mars 1961, son portrait, une rose rouge piquée dans les cheveux fait la une de Paris Match avec ce titre : « La mariée de la nouvelle vague. » La mise en scène médiatique de ce roman d’amour n’a qu’un rapport lointain avec leurs relations, marquées par une fausse couche, en mai 1961, qui manque de lui coûter la vie. Pourtant, rien de leurs liaisons et désunions tumultueuses ne transparaît à l’écran, où une complicité amoureuse féconde un des plus inoubliables chapitres du septième art et un chapelet de souvenirs que chaque spectateur peut égrener selon son goût, entre les larmes de Nana face au Jeanne d’Arc de Dreyer dans Vivre sa vie (1962), le « J’entends, j’entends » d’Aragon entonné a capella par Odile Monod dans le métro de Bande à part (1964) ou « Ma ligne de chance », chantonné par la Marianne Renoir de Pierrot le fou (1965) et son « qu’est-ce que je peux faire, j’sais pas quoi faire… », improvisé sur la plage du tournage.

<em>Alphaville</em>, de Jean-Luc Godard - crédits : Collection privée/ Encyclopaedia Britannica

Alphaville, de Jean-Luc Godard

En 1963, et sous la direction de Jacques Rivette, la prestation au théâtre d’Anna Karina, dans Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, révèle une autre facette de son talent. Le film, réalisé deux ans après et sorti en 1967, a focalisé les regards sur la censure dont il fut l’objet. Il demeure toutefois comme trace tangible de ses capacités de tragédienne, dans un des plus beaux rôles de la femme enfant rayonnante, au corps de liane et au délicieux accent, façonnée par Godard.

Anna Karina a tourné sous la direction de Luchino Visconti, George Cukor, Tony Richardson, Christian de Chalonge, Franco Brusati, Rainer Werner Fassbinder, André Delvaux… En 1967, elle est la vedette de la seule comédie musicale écrite par Serge Gainsbourg, la pop et colorée Anna (1967), qui inclut notamment la chanson « Sous le soleil exactement ».

En 1973, elle produit et réalise un premier[...]

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Pour citer cet article

Jacques KERMABON. KARINA ANNA (1940-2019) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Alphaville</em>, de Jean-Luc Godard - crédits : Collection privée/ Encyclopaedia Britannica

Alphaville, de Jean-Luc Godard

Anna Karina avec Jean-Luc Godard - crédits : RDB/ Ullstein Bild/ Getty Images

Anna Karina avec Jean-Luc Godard

Autres références

  • GODARD JEAN-LUC - (repères chronologiques)

    • Écrit par Universalis, Joël MAGNY
    • 1 418 mots

    3 décembre 1930 Naissance de Jean-Luc Godard à Paris, d'une riche famille bourgeoise et protestante suisse. Il est élevé par sa mère au milieu des livres, et dans la religion protestante.

    1948 Après des études dans un collège à Nyons en Suisse, puis au lycée Buffon à Paris, il passe son baccalauréat...

  • JEAN-LUC GODARD. RÉTROSPECTIVE

    • Écrit par Basile TROUILLET
    • 1 436 mots
    • 1 média
    En ouverture de la rétrospective, il était prévu qu’Anna Karina vienne présenter Vivre sa vie (1962). Son décès au mois de décembre 2019 a transformé la projection en un vibrant hommage, à la lumière d’un film souvent considéré comme sa plus marquante collaboration avec Godard. Si le réalisateur...

Voir aussi