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ANARCHISME

Les mouvements anarchistes

Si l'anarchisme est essentiellement esprit de révolte contre l'autorité : « Quiconque nie l'autorité et la combat est anarchiste », écrit Sébastien Faure dans l'Encyclopédie anarchiste, on peut admettre avec les philosophes, anarchistes ou non, que l'esprit libertaire est inhérent à l'homme. Nous ne parlerons pas ici de l'idéologie libertaire, mais des mouvements anarchistes, de l'action collective ou individuelle des personnes que l'idéologie « anarchiste » a groupées sous les formes les plus variées. S'en tenant à cette conception, on peut dire que l'idéologie libertaire s'est précisée, a donné naissance à des groupes, s'est traduite en actions au sein de l'Association internationale des travailleurs ( A.I.T.), fondée le 28 septembre 1864 et connue sous le nom de Ire Internationale.

La Ire Internationale

Si l'on ne recherche qu'un acte de naissance, il n'y a pas à faire l'histoire de l'A.I.T. Ses premiers congrès subirent des influences proudhoniennes combattues par Marx, qui les jugeait préjudiciables au mouvement ouvrier. Proudhon était mort en janvier 1865 et l'affrontement n'aurait peut-être pas dépassé celui des idées si Bakounine n'avait pris la relève, en adhérant personnellement à l'Internationale en juillet 1868, comme membre de la Section centrale de Genève.

Bakounine, l'homme des sociétés secrètes aux ramifications internationales, demanda l'entrée dans l'A.I.T. pour la dernière-née, l'Alliance internationale de la démocratie socialiste, qui comptait des adhérents en France, en Espagne et en Italie. Après le refus du Conseil général, il sollicita l'adhésion de l'Alliance au titre de section genevoise, et non plus comme organisme international ; sa demande fut acceptée en juillet 1869, mais refusée par la Fédération romande. Le conflit s'envenimant, la Fédération jurassienne fut créée en novembre 1871, prélude à la naissance d'une Internationale « anti-autoritaire » en septembre 1873, un an après le congrès de La Haye qui vota l'exclusion de Bakounine. Contre les résolutions de La Haye s'étaient dressées, outre la Fédération jurassienne, la Fédération italienne (qui avait rompu avec le Conseil général dès son premier congrès, tenu à Rimini en août 1872), les fédérations belge, anglaise, américaine et hollandaise, ainsi que la Fédération régionale espagnole (lors de son troisième congrès, tenu à Cordoue du 25 au 30 décembre 1872).

Tandis que l'Internationale « marxiste », mourante depuis La Haye, s'éteignait en 1876 aux États-Unis où elle avait émigré, l'Internationale « anti-autoritaire » étendait son influence, animée avant tout par les fédérations italienne et jurassienne. Après quelques années, ce rayonnement diminua, la Fédération belge se ralliant au marxisme en 1877, et la Fédération jurassienne perdant son leader, James Guillaume, venu s'installer à Paris le 1er mai 1878. Quant à la Fédération espagnole, la plus solide à tous égards, elle était réduite à la clandestinité depuis 1874 – cette fédération comptait alors cinquante mille membres – et allait demeurer interdite jusqu'en 1881.

Théorie et pratiques d'action anarchistes mûrissaient cependant au cours de ces années. C'est ainsi que, au congrès de Florence, en octobre 1876, la Fédération italienne, par les voix de Carlo Cafiero et d'Enrico Malatesta notamment, se prononçait en faveur de la propriété collective des produits du travail. Quelques mois plus tard, en avril 1877, ces deux militants inauguraient, devant les paysans de la province de Bénévent, cette « propagande par le fait » – leçon de choses de socialisme – qui allait connaître des développements terroristes pendant des dizaines d'années.[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-X-Nanterre
  • : docteur ès lettres, maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
  • : maître de conférences à l'École des hautes études en sciences sociales, Paris
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Henri ARVON, Universalis, Jean MAITRON et Robert PARIS. ANARCHISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Bakounine - crédits : Nadar/ Getty Images

Bakounine

Portrait d'Elisée Reclus - crédits : Nicku/ Shutterstock

Portrait d'Elisée Reclus

Proudhon - crédits : Nadar/ Getty Images

Proudhon

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE ANARCHISTE

    • Écrit par Jean-Paul DEMOULE
    • 4 849 mots
    • 3 médias
    Même s’ils ne sont pas unifiés autour d’un programme préétabli, les anarchismes constituent aussi, et d’abord, une mouvance politique. Des sociétés, certes éphémères, s’en sont réclamé, comme dans l’Ukraine des années 1920 avec le mouvement de Nestor Makhno, ou dans l’Espagne des années 1930....
  • BA JIN [PA-KIN] (1904-2005)

    • Écrit par Paul BADY
    • 2 309 mots
    Il découvre alors l'anarchisme en lisant l'Appel à la jeunesse de Kropotkine et Le Grand Soir de Leopold Kampf. Avec des camarades il crée la Jun she (« Société Égalité ») et publie ses premiers articles, dont un sur Tolstoï. À Nankin, où il poursuit ses études secondaires à partir de 1923, puis...
  • BAKOUNINE MICHEL (1814-1876)

    • Écrit par Henri ARVON
    • 1 665 mots
    • 1 média
    ...Réaction en Allemagne (1842). La seconde période de sa vie se situe après son évasion de Sibérie en 1861. Elle est marquée par son activité proprement anarchiste, tant du point de vue doctrinal que du point de vue de l'action politique. Tenant pour acquise l'idée de la négation totale, Bakounine s'efforce...
  • BELLEGARIGUE ANSELME (XIXe s.)

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 606 mots

    N'étant le plus souvent connu que par le titre de son éphémère journal, L'Anarchie, journal de l'ordre, Bellegarigue mériterait que l'on s'attachât davantage à sa singulière personnalité. Sa conception éclaire en effet la frontière, à laquelle il se situe, entre la pratique libertaire...

  • Afficher les 28 références

Voir aussi