ALEXANDRE II NIKOLAÏEVITCH (1818-1881) empereur de Russie (1855-1881)
Aucun monarque européen n'a été mieux préparé à sa tâche qu'Alexandre II. Sa mère charge le poète et humaniste Joukovski de dresser un plan complet d'éducation et d'instruction pour l'héritier du trône, et le pédagogue veillera à l'exécution de son programme. Il veut faire de son pupille un homme dans le sens le plus noble du terme. Son instruction est variée et adaptée aux besoins du pays qu'il doit gouverner. Un voyage à travers les provinces de l'Empire donne au jeune prince la possibilité de connaître les besoins des diverses régions. En visitant les pays étrangers, il pourra comparer la vie russe à celle des autres pays. Faut-il y voir un succès de la pédagogie ? Le règne d'Alexandre II sera en tout cas une époque de réformes qui transfigureront entièrement la vie de l'Empire.
Dès le début de son règne, l'empereur s'attaque au problème le plus grave et le plus difficile : le servage. L'acte d'émancipation du 19 février 1861, qui met fin à un siècle de servitude légale (1761-1861), a une portée morale incontestée. Mais l'application en est défectueuse. Tous les partis, de la droite à l'extrême gauche, préconisent le renforcement de la commune rurale sans demander l'avis des intéressés, et les paysans, libérés du joug des propriétaires, retombent sous celui de la commune, souvent plus dur que le précédent.
La deuxième réforme concerne la justice. L'appareil judiciaire, vétuste et vénal, est remplacé par des institutions nouvelles qui, de l'avis même des opposants et des étrangers, sont excellentes. La justice est indépendante, prompte et égale pour tous les citoyens.
La troisième réforme réorganise la vie des provinces et institue le régime des zemstvos (conseils et assemblées locales), sur lesquels le pouvoir se décharge de la plupart des affaires locales telles que création et gestion des hôpitaux, service vétérinaire, voirie et, en général, tout ce qui concerne le bien-être de la population. Les zemstvos font rapidement leurs preuves, et leur action sera bienfaisante.
La quatrième réforme réorganise le service militaire. Le recrutement par tirage au sort, qui enrôle le soldat pour vingt-cinq ans, est remplacé par le service général de cinq ans. Cette période sera mise à profit pour apprendre aux conscrits à lire et à écrire, abaissant notablement le pourcentage d'illettrés. Les visées extérieures d'Alexandre ne sont pas moins ambitieuses. Elles sont expansionnistes à la fois vers le Caucase, qui est conquis en 1864, vers la Sibérie et l'Extrême-Orient : la rive gauche de l'Amour est annexée, en 1865 est créé le Turkestan russe, enfin, les khānats de Boukhara et de Khiva passent sous le protectorat russe. Fidèle à l'idée d'un équilibre européen, Alexandre se rapproche de la France dès 1857, politique contrariée par les affaires de Pologne et par la politique pro-allemande du général Gortchakov, mais qui sera reprise après la guerre de 1870 et surtout après le traité de San Stefano. En effet, après avoir travaillé à l'indépendance des pays balkaniques, Alexandre voit son œuvre ruinée par la coalition des intérêts anglais et allemands, qui, à la Conférence de Berlin (1878), font annuler la plupart des clauses de ce traité.
La dernière réforme, qui devait couronner l'ensemble, concerne la convocation des élus dans un conseil qui préfigure la Douma. Le jour même de la signature de l'acte constitutionnel (1er mars 1881), l'empereur est assassiné par un petit groupe de terroristes, guidé par Sophie Perovsky. La mort de l'empereur est douloureusement ressentie par la population et surtout par la paysannerie qui a donné au tsar le surnom de Libérateur. Une réaction violente se produit immédiatement sous l'influence de Pobiedonostsev et de l'extrême droite, et les réformes[...]
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Écrit par
- Pierre KOVALEWSKY : docteur ès lettres, chargé de conférences à l'université de Paris-III, doyen de l'Institut Saint-Denis, Paris
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