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HESCHEL ABRAHAM JOSHUA (1907-1972)

Théologien et philosophe américain, Abraham Joshua Heschel, né à Varsovie, est un descendant de grands maîtres hassidiques (par son père, du Maguid de Mezeritch ; par sa mère, de Lévi Yitzhk de Berditchev). Après des études à l'université de Berlin (où il donne comme dissertation inaugurale Das prophetische Bewusstsein, 1935), il succède en 1937 à Martin Buber comme directeur de l'Organisation pour l'éducation juive permanente des adultes (Francfort). Déporté en 1938 en Pologne, il passe d'abord à Londres, où il fonde l'Institute for Jewish Learning, puis aux États-Unis, où il enseigne l'éthique et la mystique juives, en 1940 au Hebrew Union College de Cincinnati et, à partir de 1945, au Jewish Theological Seminary of America à New York.

Penseur influent dans les cercles juifs aussi bien que chrétiens, il a occupé aux États-Unis une position et a exprimé des options assez proches de celles de A. Neher en France. Sa vie fut engagée politiquement : au côté de Martin Luther King pour la défense des Noirs ; en qualité de coprésident de la Conférence religieuse pour la paix au Vietnam ; auprès de Jean XXIII, contribuant à infléchir les déclarations du concile de Vatican II sur le peuple juif. Poète (il a publié un recueil en yiddish), érudit (il a étudié sur la philosophie médiévale, notamment Saadiah, ibn Gabirol, Maimonide), il a surtout développé une conception originale de la philosophie de la religion. Tout d'abord, il insiste sur l'importance de la religion : « L'humanité n'a pas à choisir entre la religion et la neutralité. L'irréligion n'est pas un opium mais un poison [...]. Si nous ne sommes pas les ministres du sacré, nous sommes les esclaves du mal. » Il fait une déclaration de « guerre incessante et universelle contre tout ce qui est vulgaire, contre la glorification de l'absurde ». Il recommande de ne pas substituer la philosophie à la religion (comme l'ont fait Spinoza et Mendelssohn) et de ne pas se contenter d'analyser l'expérience religieuse (à la manière de l'anthropologie de la religion). Il exprime en des formules lapidaires son sens de l'équilibre difficile d'une recherche nécessaire singulière : « Le culte de la raison, par sa témérité, dénote un manque d'intelligence ; le rejet de la raison, par couardise, dénote un manque de foi. » Soucieux à la fois de se démarquer de la perspective philosophique (« La philosophie s'occupe des problèmes comme s'ils étaient des solutions universelles ; pour la religion, les solutions universelles sont des problèmes personnels ») et d'utiliser les instruments conceptuels de la philosophie à des fins d'expression et de communication, il s'efforce avant tout d'appliquer les intuitions de la tradition d'Israël aux problèmes de l'homme moderne.

Deux notions paraissent essentielles chez lui : la première est celle du « souci divin » (divine concern), l'intérêt passionné de Dieu à l'égard de ses créatures, et la capacité humaine à transcender l'intérêt égocentrique et à répondre avec amour à la demande divine. Les titres de ses principaux ouvrages sont révélateurs : Man Is not Alone, 1951 ; Man's Quest for God, 1954 ; God in Search of Man, New York, 1955. L'homme et Dieu sont présentés comme partenaires dans une relation historique et dans un travail de création continuée dont l'un des enjeux est la lutte contre le mal. La seconde notion avancée par Heschel est sans doute celle de la sanctification du temps comme médiation fondamentale dans le judaïsme. Heschel reprend l'opposition classique entre espace et temps, avoir et être : « Être est plus essentiel qu'avoir » ; et il la radicalise en lui conférant une dimension religieuse. Si, dans la civilisation technicienne, nous « gaspillons le temps pour[...]

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes

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Pour citer cet article

Françoise ARMENGAUD. HESCHEL ABRAHAM JOSHUA (1907-1972) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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