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TROUS NOIRS

Signatures électromagnétiques des trous noirs

Selon les lois de la relativité générale, un trou noir est par définition invisible, puisqu’il ne laisse échapper ni matière ni lumière (entendu par là l’ensemble des longueurs d’onde du rayonnement électromagnétique, et pas seulement la lumière visible). Mais un trou noir, qu’il soit en rotation ou pas, de petite taille et de masse stellaire ou géant et supermassif, est rarement « nu » : dans un environnement astrophysique réaliste, il est généralement entouré de matière gazeuse. Celle-ci, entraînée en un mouvement de spirale tourbillonnante, peut former un disque d'accrétion au sein duquel le gaz fortement chauffé émet un spectre de rayonnement caractéristique.

Par ailleurs, un trou noir géant, comme on en trouve au centre de la plupart des galaxies, peut également être entouré d’étoiles en orbite dont il influence le mouvement, voire en briser certaines par les forces de marée gravitationnelles qu’il engendre. En somme, le trou noir lui-même reste invisible, mais il influence d’une manière caractéristique la matière qu’il attire, suscitant dans son environnement immédiat une importante libération d'énergie, laquelle constitue une signature indirecte de sa présence.

C'est sur la base de ce raisonnement général qu’au début des années 1960 les trous noirs ont commencé à devenir crédibles aux yeux des astronomes. L'observation des radiogalaxies et des quasars (quasi stellar radio sources, astres d’aspect stellaire dont on sait depuis qu’il s’agit de galaxies lointaines à noyau actif extrêmement brillant) a en effet permis d’émettre l'idée selon laquelle un trou noir supermassif, situé en leur centre, était le seul « moteur » capable d’expliquer les énormes quantités d’énergie libérées, de plusieurs ordres de grandeur supérieurs à celles des galaxies ordinaires comme notre Voie lactée.

À la même époque, des astrophysiciens théoriciens ont calculé que le mouvement d’un gaz dans le champ gravitationnel d'un trou noir stellaire pouvait produire des rayons X au sein d’un disque d’accrétion. Un objet quelconque qui tombe en chute libre à la surface de la Terre dégage de la chaleur ; s'il tombe à la surface d'une naine blanche ou d'une étoile à neutrons, dont les champs gravitationnels sont beaucoup plus intenses, il délivre beaucoup plus d'énergie, sous forme de rayonnement visible ou même de rayons X ; si, enfin, l'objet tombe dans un trou noir, le champ gravitationnel de ce dernier est si grand qu'il provoque la libération d'une fraction importante de toute l'énergie que l'objet est capable de céder, c'est-à-dire son énergie de masse au repos, donnée par la célèbre relation d'Einstein E = mc2 (rappelons que l'horizon des événements, frontière du trou noir, est une surface géométrique sans consistance matérielle, contrairement aux croûtes solides des naines blanches et des étoiles à neutrons). C'est la raison pour laquelle un trou noir, qu’il soit stellaire ou géant, est potentiellement le moteur le plus efficace pour convertir la masse-énergie de la matière en rayonnement électromagnétique.

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, laboratoire d'astrophysique, Marseille

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre LUMINET. TROUS NOIRS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Galaxie NGC 1277 - crédits : NASA/ ESA/ Andrew C. Fabian/ Remco C. E. van den Bosch (MPIA)

Galaxie NGC 1277

Puits gravitationnel créé par un trou noir - crédits : J.-P. Luminet

Puits gravitationnel créé par un trou noir

Formation de trous noirs stellaires et sursauts gamma - crédits : J.-P. Luminet

Formation de trous noirs stellaires et sursauts gamma

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