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TROUS NOIRS

Visualisation numérique des trous noirs

Toutes les méthodes de détection des trous noirs décrites plus haut ne fournissent pas d’images de l’environnement immédiat d’un trou noir. En attendant de disposer d‘instruments à résolution angulaire suffisante, les chercheurs se sont demandé à quoi pourrait ressembler un trou noir « vu de près ».

Première simulation numérique d’un trou noir - crédits : J.-P. Luminet

Première simulation numérique d’un trou noir

Nombre de représentations didactiques ou artistiques de trous noirs sont exposées dans des revues et sites Web de vulgarisation, sous forme de sphères noires semblant flotter au sein d’un tourbillon circulaire de gaz brillant. Aussi frappantes soient-elles, ces images échouent à rendre compte de la réalité astrophysique. Or, celle-ci peut être décrite correctement à l’aide de simulations numériques tenant compte des distorsions complexes que le fort champ gravitationnel impose à l’espace-temps et aux trajectoires des rayons lumineux qui en épousent la trame. Elles ont été mises en œuvre dès 1978.

Pour créer les images les plus réalistes possible d’un trou noir entouré d’un disque d’accrétion, il faut non seulement calculer la propagation des rayons lumineux dans l’espace-temps courbe, mais aussi connaître les propriétés physiques du disque d’accrétion. Le résultat montre que le dessus du disque reste entièrement visible quel que soit l’angle de vue (par contraste, par exemple, avec les vues usuelles des anneaux de Saturne) : le champ gravitationnel incurve si fortement les trajets des rayons lumineux au voisinage du trou noir que la partie arrière du disque est « relevée ». Même si le trou noir cache à jamais ce qui est tombé dedans, il ne peut rien masquer de ce qui se trouve derrière. L’enroulement des rayons lumineux engendre aussi une image secondaire permettant de voir l’autre face du disque d’accrétion. Optiquement très déformée, celle-ci prend la forme d’un mince halo de lumière collé contre le disque noir central, lequel représente l’horizon des événements systématiquement agrandi d’un facteur 2,6 par effet de lentille gravitationnelle.

La caractéristique principale de la « photographie » du trou noir est la forte différence de luminosité entre les régions du disque. D’une part, la luminosité propre du disque est maximale dans les zones les plus proches de l’horizon, car c’est là que le gaz est le plus chaud. D’autre part, la luminosité reçue par un observateur lointain diffère nettement de la luminosité propre, due à la combinaison des effets Einstein et Doppler provoqués, le premier par le champ de gravité, le second par la rotation rapide du disque d’accrétion, qui fait que pour un observateur lointain le flux lumineux reçu est fortement amplifié du côté de l’image où le gaz se rapproche de l’observateur, et affaibli du côté opposé où il s’éloigne.

La photographie virtuelle d’un trou noir ainsi calculée est indépendante de la masse de celui-ci et du débit de gaz avalé tant qu‘il reste faible (dans d’autres situations, la structure d’accrétion peut être épaisse, prendre la forme d’un tore, etc.). Elle peut donc aussi bien décrire un trou noir stellaire de 10 kilomètres de rayon attirant modérément le gaz d’une étoile compagne qu’un trou noir géant aspirant le gaz interstellaire.

Le travail d’imagerie numérique des trous noirs a été développé par de nombreux chercheurs, qui ont bénéficié de l’amélioration rapide des performances informatiques. Des couleurs ont été ajoutées aux images (selon un codage particulier dicté par les variations de température) et des fonds de ciel, de façon à rendre les reconstitutions les plus réalistes possible. En outre, l’observateur n’est plus supposé stationnaire et à grande distance du trou noir, mais en mouvement par rapport à lui, ce qui introduit une nouvelle distorsion des images par effet Doppler dû au mouvement de l’observateur lui-même.

Mirage gravitationnel produit par un trou noir - crédits : Alain Riazuelo, IAP/ UPMC/ CNRS

Mirage gravitationnel produit par un trou noir

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, laboratoire d'astrophysique, Marseille

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre LUMINET. TROUS NOIRS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Galaxie NGC 1277 - crédits : NASA/ ESA/ Andrew C. Fabian/ Remco C. E. van den Bosch (MPIA)

Galaxie NGC 1277

Puits gravitationnel créé par un trou noir - crédits : J.-P. Luminet

Puits gravitationnel créé par un trou noir

Formation de trous noirs stellaires et sursauts gamma - crédits : J.-P. Luminet

Formation de trous noirs stellaires et sursauts gamma

Autres références

  • PREMIÈRE IMAGE DU TROU NOIR DE NOTRE GALAXIE

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    • 1 695 mots
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    • 1 009 mots
    • 1 média

    Prédits dans le cadre de la théorie de la relativité générale, les trous noirs sont certainement les objets les plus mystérieux du cosmos. En raison de leur nature même de pièges à matière et à lumière, ils ne sont pas directement observables. Si les effets indirects qu’ils induisent sur leur...

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    ...l'effondrement dû aux forces gravitationnelles est le phénomène marquant de leur vieillesse. C'est ainsi qu'apparaissent naines blanches, étoiles à neutrons ou trous noirs, extraordinaires objets où les conditions physiques qui y règnent sont si extrêmes que les interactions fondamentales « habituelles » agissent...
  • EINSTEIN ET LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE, LES CHEMINS DE L'ESPACE-TEMPS (J. Eisenstaedt)

    • Écrit par Bernard PIRE
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    Si les principes et les conséquences de la théorie de la relativité restreinte ont été souvent, et parfois de façon excellente, vulgarisés, la complexité mathématique de la théorie d'Einstein de la gravitation – appelée relativité générale – est telle qu'elle n'est appréciée que d'un petit nombre...

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