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QUMRĀN RÈGLE DE LA COMMUNAUTÉ DE

La Règle de la communauté, appelée « Manuel de discipline » par les éditeurs, est l'un des premiers grands manuscrits découverts à Qumrān en 1947 (trad. française in A. Dupont-Sommer, Les Écrits esséniens découverts près de la mer Morte, Paris, 1959). Une recension pratiquement intacte en a été trouvée dans la grotte I. Il en existe aussi, venant de la grotte IV, des fragments qui représentent un texte bien plus pur. Le grand manuscrit comprend cinq feuilles de parchemin avec onze colonnes de texte. On possède deux annexes à cette Règle, retrouvées par fragments dans la grotte I ; on les appelle : la Règle de la congrégation et les Bénédictions.

L'ouvrage comprend cinq parties. Titre et introduction (I, 1-15). En deuxième lieu, la description de la cérémonie de l'entrée dans l'Alliance (inspirée du Deut., xxviii-xxx) et du rituel du renouvellement de cette dernière (I, 16-III, 12). La troisième partie, doctrinale (III, 13-IV, 26), présente l'histoire du monde comme dominée par la puissance des deux Esprits, l'humanité étant partagée en deux, les Fils de ténèbres et les Fils de lumière. Vient ensuite une série de prescriptions : organisation intérieure et vie de la communauté ; châtiments à infliger pour toutes sortes de fautes ; puis des éléments eschatologiques qui expliquent le rôle sanctificateur du groupe vivant dans l'attente messianique (V, 1-IX, 11). La dernière partie (IX, 12-XI, 22) contient des développements sur le calendrier (le même que dans le Livre des jubilés et les Livres d'Hénoch) et sur la pureté légale ; et des résolutions pratiques sous la forme d'une longue composition hymnique.

Les genres littéraires de la Règle sont divers et se répartissent selon les sections de l'œuvre. Familiers au judaïsme contemporain, ces genres ne sont pas propres aux auteurs de Qumrān ; mais ils trouvent ici une tournure originale globale qu'ils doivent à la qualité intrinsèque de la Règle, l'un des premiers essais connus de réglementation d'une vie monastique. L'unité d'inspiration est cependant sauve. L'auteur se fait l'écho incessant de la Bible, bien qu'il la cite rarement telle quelle. Beaucoup de passages ne sont qu'une mosaïque de textes bibliques adaptés et modifiés. On a affaire ici à une synthèse religieuse très biblique qui, à la différence du judaïsme traditionnel, donne autant de place aux grands prophètes d'Israël qu'à la littérature considérée comme étant de Moïse.

D'une foule de données internes (quinze membres suffisent pour que la communauté soit représentative ; le départ de l'élite dans le désert est présenté comme une mission future ; les bâtiments communautaires de Qumrān n'étaient pas encore construits ; l'allusion aux sacrifices cultuels montre que l'on ne s'était pas encore désolidarisé du Temple ; etc.), il ressort que la Règle reflète un état encore embryonnaire de la communauté de Qumrān. Peut-être s'agit-il du texte le plus ancien de la fraternité, qu'il faudrait situer avant la persécution du Maître de justice — personnage tenu par plusieurs comme l'auteur ou du moins l'inspirateur essentiel du document — par le Prêtre impie. D'aucuns y voient même le projet à partir duquel se serait ensuite constituée la communauté. Dès lors, la première rédaction serait à situer avant la persécution des pharisiens et probablement du Maître de justice et des siens par Alexandre Jannée (~ 103-~ 76).

La visée théologique de la Règle est éminemment communautaire. La communauté représente Israël ; elle constitue le « reste d'Israël », seul groupe fidèle. Les prêtres y ont les fonctions prédominantes : on se rattache à Sadoc par une interprétation souple d'Ézéchielxliv, 15. En revanche,[...]

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Pour citer cet article

André PAUL. QUMRĀN RÈGLE DE LA COMMUNAUTÉ DE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ESSÉNIENS

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 1 223 mots

    La secte juive des esséniens, fondée vers ~ 150 et qui disparaîtra deux siècles plus tard vers 68 après J.-C., a bénéficié d'une connaissance nouvelle avec la découverte, depuis 1947, d'un nombre important de manuscrits recueillis lors des fouilles du Khirbet Qumrān, sur la rive nord-ouest...

  • ESSÉNIENS, SECTE JUIVE

    • Écrit par Francis SCHMIDT
    • 177 mots

    Inconnus de la Bible et des écrits talmudiques, les esséniens sont décrits par Flavius Josèphe – avec les pharisiens, les sadducéens et les différents mouvements zélotes – comme l'un des quatre groupes composant le judaïsme de la fin de la période du second Temple. Vivant en communautés...

  • ISRAËL RESTE D'

    • Écrit par André PAUL
    • 564 mots

    Le mot hébraïque que l'on traduit par « reste » (shear ou sheêrit) a pris très tôt dans l'histoire biblique un sens théologique précis qui n'a cessé de s'accentuer. On le trouve dans l'expression fréquente « reste d'Israël » (Isaïe, Jérémie, Michée...

  • JUDAÏSME - Histoire des Hébreux

    • Écrit par Gérard NAHON
    • 11 045 mots
    • 4 médias
    ...essénienne, rigoriste jusqu'au refus de la vie politique, comprend des groupes conventuels menant une existence isolée dans le désert, obéissant à une règle, suivant un calendrier religieux différent de celui du Temple. Les manuscrits de la mer Morte découverts en 1948 ont permis de connaître leur principal...

Voir aussi