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RECHERCHES LOGIQUES, Edmund Husserl Fiche de lecture

De l'intentionnalité de la conscience à « l'intuition catégoriale »

Les quatre premières Recherches s'efforcent de dégager la possibilité d'une phénoménologie des vécus théoriques (signification, expression, tout et parties, grammaire pure) en fournissant, dans l'extraordinaire détail de leurs analyses et de leur abstraction, les bases d'une théorie de la connaissance.

Les Recherches V et VI marquent un « retour au concret », c'est-à-dire aux « actes de la conscience » fondateurs de la connaissance. Elles offrent les avancées conceptuelles les plus fécondes tant pour les travaux ultérieurs de l'auteur (jusqu'à La Crise des sciences européennes, 1938) que pour la phénoménologie en général. Pensée comme intentionnalité (terme repris à la scolastique via Franz Brentano), la conscience est conçue comme acte, visée, et non pas comme « contenant » ou réceptacle de représentations. « Pour la conscience, le donné est une chose essentiellement la même que l'objet existe ou qu'il soit imaginé et même peut-être absurde. » Les idéalités logiques ou mathématiques ont une réalité en soi, quoiqu'elles soient produites d'une certaine façon par notre esprit. Platonisme et psychologisme sont ainsi congédiés l'un et l'autre.

La voie d'une « élucidation phénoménologique de la connaissance » (titre de la sixième Recherche, « la plus importante en ce qui regarde la phénoménologie » et dont Heidegger souhaita vivement la réédition, qui n'eut lieu qu'en 1922) est ainsi ouverte. Phénoménologie, et non « théorie de la connaissance » : car ce qui est en question avec la notion « d'intuition catégoriale », c'est la vérité même de toute expérience du monde. On aboutit ici à une réconciliation du sensible et de l'intelligible donnés ensemble : « Il est dans la nature même de la chose qu'en dernière analyse tout ce qui est catégorial repose sur une intuition sensible. » La pensée « au sens le plus élevé » est « fondée dans la sensibilité ». Ainsi, la recherche des fondements de la logique débouche sur une ontologie. Véritable « tour de force » à partir duquel Heidegger, par exemple, trouva « le sol » nécessaire pour ses investigations sur le sens de l'être. Si Husserl « nous retient dans le champ et le langage de la métaphysique par le geste même qui le porte au-delà de la clôture métaphysique, des limites de tout ce qui s'est en fait appelé métaphysique » (J. Derrida), il n'en aura pas moins, par cette « œuvre de percée », ouvert la voie aux pensées les plus fécondes du xxe siècle.

— Francis WYBRANDS

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Francis WYBRANDS. RECHERCHES LOGIQUES, Edmund Husserl - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LANGAGE PHILOSOPHIES DU

    • Écrit par Jean-Pierre COMETTI, Paul RICŒUR
    • 23 538 mots
    • 9 médias
    ...réalité qui viennent à l'expression dans le discours. Cet antérieur au discours, qui fait que le discours se réfère à quelque chose, était déjà le thème des Recherches logiques, dont la première s'appelle précisément « Ausdruck und Bedeutung » (« Expression et signification »). Tout le mouvement des ...
  • ONTOLOGIE

    • Écrit par Paul RICŒUR
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    La même exigence est formulée par Husserl dans la première desRecherches logiques : il n'est pas d'expressions linguistiques signifiantes sans un « acte qui confère sens » ; or, ce qui donne son « caractère d'acte » à la signification, c'est son pouvoir de « viser » quelque chose, de « se diriger...
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    C'est dans lesRecherches logiques (1900-1901), « ouvrage inaugural », que le projet et les thèses essentielles de la phénoménologie sont exposés pour la première fois ; leur portée excède donc largement ce qui en fait l'objet principal : le problème du statut d'une logique pure comme théorie de la science....
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Voir aussi