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ALSACE PRINCES POSSESSIONNÉS D'

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Lors de la réunion de l'Alsace à la France, sous Louis XIV, il avait été précisé que les fiefs appartenant à des souverains étrangers ne relèveraient pas du droit français, notamment en matière d'impôts et de douanes.

En voulant appliquer les décrets du 4 août 1789 sur l'abolition des droits féodaux, puis celui du 2 novembre de la même année sur la sécularisation des biens du clergé, l'Assemblée constituante ne tient aucun compte de ces dispositions et s'attire de furieuses protestations des « possessionnés ». Certains d'entre eux se trouvent d'ailleurs doublement lésés lorsqu'ils exercent à la fois un droit de propriété et une autorité religieuse : ce sont les archevêques-électeurs de Trèves, de Mayence et de Cologne, les évêques de Strasbourg, de Spire et de Bâle, et enfin deux ordres religieux, celui de Saint-Jean de Jérusalem et celui des Chevaliers teutoniques. Les possessionnés laïques crient plus fort que les autres : il s'agit des ducs de Württemberg et de Zweibrücken (Deux-Ponts), du margrave de Bade, des princes de Nassau, de Leiningen et de Löwenstein.

Ce litige est difficile à régler juridiquement, car les deux parties ne se situent pas sur le même terrain. Les princes allemands invoquent les traités de Westphalie et de Ryswick, conventions internationales qui, pour eux, ne peuvent être modifiées que d'un commun accord entre les intéressés, tandis que l'Assemblée, qui ne s'embarrasse guère de considérations de cette espèce, tient pour juridiquement valable sur tout le territoire français ce qu'elle a décrété au nom du peuple français. Ce sont deux conceptions du droit qui s'affrontent : pour l'Assemblée, il n'y a de véritable droit que celui de la nation. « La France, comme l'écrit Sorel, peut réclamer des droits partout, elle n'admet de réclamations nulle part. » Le 28 octobre 1790, dans un rapport à l'Assemblée, Merlin de Douai défend la thèse de la suprématie de la nation sur les traités et conventions diplomatiques, fruits, dit-il, « des erreurs des rois et des ruses de leurs ministres ».

Un nouveau décret confirme les droits de la France, mais l'Assemblée admet malgré tout l'opportunité de rechercher un accommodement financier avec les princes lésés, d'autant plus attachés à leurs prérogatives qu'ils se sentent soutenus par bon nombre des habitants de l'Alsace, très attachés à leurs seigneurs et, catholiques ou protestants, à leurs cultes.

Usant à son tour du droit que s'arroge la France, la Diète d'Empire, à Ratisbonne, proclame la suprématie des lois internes sur les conventions internationales et, tout en renouvelant ses protestations, se refuse, au nom des princes allemands, à tout compromis. L'empereur Léopold II intervient personnellement auprès de Louis XVI pour essayer de régler pacifiquement ce conflit. « Bouleversera-t-on l'Europe pour une pareille cause ? » écrit prophétiquement le comte de Montmorin, ministre des Affaires étrangères, au début de l'année 1791. C'est effectivement ce qui se produira. Entraîné malgré lui à soutenir les droits des princes dont il est le protecteur naturel, l'empereur se rapproche de la Prusse afin d'envisager une action commune contre la France. La mort l'en empêchera, mais son fils François II passera des intentions aux réalisations et mettra tout en œuvre pour faire rentrer les princes dans leurs droits. Il n'y parviendra pas. L'échec de la campagne de 1792, les conquêtes de la Révolution et la chute du Saint Empire romain germanique consacreront définitivement l'abolition du régime féodal en Alsace ainsi que la perte, pour les princes possessionnés, non seulement de leurs droits, mais aussi de leurs fiefs.

— Ghislain de DIESBACH

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Ghislain de DIESBACH. ALSACE PRINCES POSSESSIONNÉS D' [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

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