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MONNAIE Histoire de la monnaie

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Le Moyen Âge

L'Occident

À partir des invasions barbares, les nouvelles royautés ne cessèrent de frapper des monnaies « impériales » : tantôt elles portaient l'effigie de l'empereur régnant, celui de Constantinople ; tantôt elles copiaient une effigie ancienne. Ainsi le monnayage romain dura-t-il, dans la Gaule méridionale, jusqu'au milieu du viie siècle. Les souverains barbares se contentèrent au début d'adjoindre leur propre monogramme, puis leur nom entier (les rois francs en prirent l'initiative après la mort de Clovis). C'est en 538 que Théodebert Ier s'enhardit jusqu'à frapper une monnaie d'or à son nom, rompant ainsi l'unité fictive de l'Empire.

Mais, si les nouveaux pouvoirs manifestaient ainsi leur affranchissement par rapport au souverain byzantin, ils n'avaient généralement pas le moyen de se réserver, dans leurs propres États, la frappe de la monnaie ; celle-ci n'était plus monopole d'État, puisqu'il n'y avait plus d'État. Évêques, propriétaires, localités émirent chacun leurs propres pièces : dans la Gaule mérovingienne, il n'y eut pas moins de 1 500 monétaires pour la monnaie d'or la plus fréquente, le tiers de sou, émis dans un millier de localités différentes. On a compté une centaine d'ateliers en Grande-Bretagne, autant dans l'Espagne wisigothique. Cependant, les rois lombards réussirent à rétablir à leur profit le monopole monétaire dès le viie siècle : « Si quelqu'un a mis une effigie sur de l'or ou frappé une monnaie sans l'ordre du roi, qu'il ait la main coupée », dit une loi de Rotharis, vers 640.

Quel était le métal de ces monnaies ? Le bronze et le cuivre d'abord, mais leur monnayage, peu abondant, ne dura guère : en effet, les anciennes pièces romaines suffisaient amplement, par leur grand nombre, aux échanges locaux et régionaux, ainsi que l'ont montré les trésors d'Évreux (112 000 pièces) et de La Venera, province de Vérone (50 000) ; surtout, la frappe de ces métaux ne satisfaisait guère l'ambition des souverains barbares : ils cessèrent de mettre en circulation des monnaies de bronze dès qu'ils osèrent marquer leur nom sur l'or : du coup, la frappe du cuivre disparut, pour ne réapparaître qu'au xvie siècle en France et en Angleterre.

L'argent, quant à lui, fut peu frappé jusqu'au viie siècle. Le denier d'argent finit alors par disparaître, tout en étant maintenu comme unité de compte. C'est le sou d'or, solidus ou aureus, qui demeurait la base du système. En Gaule, au vie siècle, on peut parler d'un monométallisme or.

Cependant, dès la première moitié du viie siècle, se manifestèrent les prodromes d'un retour au bimétallisme, qui établit une équivalence concrète entre le denier d'argent, désormais réel, et le sou d'or. C'est l'un des traits de ce que l'on a appelé la réforme carolingienne, bien qu'elle ait vraisemblablement commencé dès Clotaire II et Dagobert, grâce à l'orfèvre Éloi. On en caractérisera les tendances, telles qu'elles apparurent clairement sous le règne de Charlemagne.

On constate d'abord un retour, en principe, au caractère public de la monnaie, entraînant une disparition progressive du nom des monétaires ; à partir de 790, la monnaie est frappée soit in palatio (au palais du roi), soit dans l'un des ateliers locaux surveillés par les comtes. Cependant, après Charlemagne, le système se relâcha, au bénéfice des comtes et des abbayes, mais toujours par concession royale : jusqu'au xiie siècle, la dispersion monétaire allait à nouveau caractériser l'Occident.

D'autre part, on assiste au renforcement du denier d'argent, base pondérale et monétaire qui devait durer jusqu'à la Révolution en France,[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, directeur d'études à l'École pratique des hautes études, ancien rapporteur général du Haut Comité de la langue française

Classification

Pour citer cet article

Michel BRUGUIÈRE. MONNAIE - Histoire de la monnaie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 25/03/2009

Médias

Denier romain - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Denier romain

Monnaie : poids des monnaies utilisées dans le Péloponnèse et en Attique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Monnaie : poids des monnaies utilisées dans le Péloponnèse et en Attique

Tétradrachme de Syracuse - crédits : G. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Tétradrachme de Syracuse

Autres références

  • LA SIGNIFICATION SOCIALE DE L'ARGENT (V. A. Zelizer)

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    • 999 mots

    La traduction de The Social Meaning of Money, publié aux États-Unis en 1994 (coll. Liber, Seuil, 2005), permet au public francophone d'accéder directement à ce qui est devenu un « classique » de la nouvelle sociologie économique américaine, consacré à la question, centrale en cette période de « marchandisation...

  • RELATIONS MONÉTAIRES INTERNATIONALES - (repères chronologiques)

    • Écrit par
    • 530 mots

    1821 Instauration de l'étalon or en Angleterre quelques années après l'adoption de l'Act de Lord Liverpool (1816).

    Années 1870 L'or devient la base des relations monétaires de l'Europe de l'Ouest.

    1888 Premiers emprunts russes auprès de la France.

    1914 Suspension...

  • BÂLE ACCORDS DE (1972)

    • Écrit par
    • 303 mots

    Le 24 avril 1972, les accords monétaires de Bâle sont signés. Ils mettent en place l'une des propositions du plan rédigé par l'équipe réunie autour de Pierre Werner, Premier ministre luxembourgeois de l'époque, proposant de parvenir par étapes à la création d'une Union économique et monétaire....

  • AFTALION ALBERT (1874-1956)

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    Né en Bulgarie, mort à Genève, Aftalion a enseigné successivement aux universités de Lille et de Paris. On lui doit une œuvre abondante et plusieurs contributions importantes à la théorie économique moderne. Dans son ouvrage Les Crises périodiques de surproduction (1913), il montre comment...

  • AGLIETTA MICHEL (1938- )

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    Penseur du capitalisme et de la monnaie, le Français Michel Aglietta est un chercheur, un pédagogue et un expert reconnu des économistes, des historiens et des anthropologues, mais aussi des politiciens et des syndicalistes de toute tendance.

    Né dans une famille modeste d’immigrés italiens en 1938...

  • AGRÉGAT ÉCONOMIQUE

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    Une catégorie particulièrement importante, pour l'analyse et la politique économique, des agrégats de stock est constituée par les agrégatsmonétaires (ensemble des moyens de paiement et des actifs financiers facilement convertibles en moyens de paiement, possédés par les agents économiques non...
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