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ARMSTRONG LOUIS (1901-1971)

Billie Holiday et Louis Armstrong - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Billie Holiday et Louis Armstrong

Louis Armstrong est, avec « Duke » Ellington et Charlie Parker, un des trois génies reconnus de la musique de jazz. Alors que le jazz instrumental était encore proche des fanfares, que l'improvisation sur un thème donné – une des caractéristiques essentielles de cet art – se déployait surtout collectivement et à l'intérieur de cadres assez étroits, Armstrong inaugura le règne du soliste, donnant l'exemple, par son imagination créatrice, d'une liberté et d'une richesse d'expression jusqu'alors inconnues.

De ce fait, l'importance, sur le plan esthétique, du grand trompettiste et chanteur noir constitue également un fait historique décisif : d'entreprise collective, liée à un milieu et à toutes sortes d'alluvions culturelles, le jazz, grâce à Armstrong, acquiert en effet son unité, sa dimension d'universalité et ses moyens originaux, à partir desquels deviendront possibles création et évolution, bref, les apports successifs des individualités qui jalonnent son histoire.

Caractéristiques de son art

Si l'on excepte les années d'enfance et d'adolescence (1901-1918), la vie de Louis Armstrong – engagements, disques, tournées – se soumet presque entièrement à sa carrière, à son itinéraire musical. Il est donc licite de recenser les données principales de sa musique avant même de suivre sa biographie.

Instrumentiste – d'abord au cornet à pistons, puis, à partir de la fin des années vingt, à la trompette – Louis Armstrong apparaît, dans l'histoire du jazz, comme le premier soliste véritable : avant lui, en effet, les formations se vouaient essentiellement à une polyphonie improvisée. Si, dans les groupes auxquels il appartient, la musique se recentre autour de lui, c'est qu'il en impose, tout d'abord, par une virtuosité sans précédent (tout au moins jusqu'en 1934, époque où ses lèvres blessées le contraindront à un jeu plus décanté).

Mais c'est qu'Armstrong, aussi, affirme très rapidement un langage personnel, plus complet et plus complexe que celui des jazzmen de son temps, et que sert, en outre, une sonorité demeurée, aujourd'hui encore, absolument unique, sonorité ample, éclatante et majestueuse, dont le grain serré n'est jamais rompu par les inflexions incisives et l'expressivité fervente qui la mettent en œuvre : Armstrong, par exemple, n'utilisera jamais de procédés extérieurs, comme la sourdine wa wa dont certains trompettistes qui lui sont contemporains – « Bubber » Miley, entre autres – devaient user de manière si savoureuse.

Ainsi Louis Armstrong fait-il rapidement éclater les données du jeu Nouvelle-Orléans dont il procède cependant : la puissance de son tempérament lyrique lui permet d'user, avec une liberté toute nouvelle, du répertoire exécuté, soit qu'il transfigure un thème par quelque éblouissante paraphrase, soit qu'il le recrée, le dote d'une intensité dont il était initialement dépourvu, en se bornant à en décaler quelques notes et à l'épurer.

Gagnant en liberté mélodique, le discours improvisé gagne aussi en liberté rythmique : au phrasé un peu uniforme – en avant du temps ou assez pesamment sur le temps – des artistes Nouvelle-Orléans, Armstrong substitue une phrase infiniment plus souple en son accentuation et son découpage, où le swing, cette pulsation qui est au cœur du jazz et le définit, s'épanouit avec une force d'évidence qui est absente du jeu de la plupart des premiers jazzmen.

Cela dit, Louis Armstrong reste, fondamentalement, attaché à l'esprit de la musique Nouvelle-Orléans : même lorsqu'on y rencontre de grands élans expressionnistes, son jeu demeure ramassé et plutôt carré, et la note, presque toujours attaquée, y acquiert, souvent, autant d'intensité expressive qu'une phrase entière. En outre, bien que sollicitant[...]

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Pour citer cet article

Michel-Claude JALARD. ARMSTRONG LOUIS (1901-1971) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Billie Holiday et Louis Armstrong - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Billie Holiday et Louis Armstrong

Louis Armstrong - crédits : Bettmann/ Getty Images

Louis Armstrong

Autres références

  • WEST END BLUES (L. Armstrong)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 247 mots

    Louis Armstrong naît avec le jazz, qui s'invente dans les rues de sa ville natale, La Nouvelle-Orléans. Premier véritable soliste de son histoire, il montre dès ses débuts un exceptionnel génie pour l'improvisation. La noblesse d'un phrasé impérial, l'éclat et la chaleur de la sonorité de sa...

  • Dippermouth Blues, OLIVER ("King")

    • Écrit par Eugène LLEDO
    • 782 mots

    Comme beaucoup d'autres musiciens, Joe «King» Oliver (1884 ou 1885-1938) quitte en 1919 sa ville natale, La Nouvelle-Orléans, berceau du jazz, à la suite de la fermeture des établissements de Storyville, le quartier des bars et des boîtes de nuit. C'est à Chicago que les membres...

  • DIXIELAND

    • Écrit par Universalis
    • 1 077 mots

    Style de jazz traditionnel, à la croisée des influences des fanfares et du blues, souvent attribué aux pionniers de La Nouvelle-Orléans, le dixieland est parfois distingué du style New Orleans proprement dit pour ne faire alors référence qu'aux styles affinés durant les années 1920 par les musiciens...

  • HINES EARL (1905-1983)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 948 mots
    • 1 média

    On l'appelait « Fatha », de l'anglais father (père), tant son influence a été considérable sur tout ce qui compte en matière de pianojazz. Et pourtant les grands quotidiens n'ont pas soufflé mot de sa disparition. Earl Kenneth Hines naît le 28 décembre 1905 à Duquesne (Pensylvanie)...

  • JOHNSON BUNK (1889-1949)

    • Écrit par Universalis
    • 418 mots

    Le trompettiste, cornettiste et chef d'orchestre américain Bunk Johnson, un des premiers musiciens de jazz, est aussi un des acteurs du retour du jazz traditionnel sur le devant de la scène dans les années 1940.

    Willie Gary Johnson prétendait être né en 1879, avoir joué avec le légendaire ...

  • Afficher les 8 références

Voir aussi