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VILLON JACQUES (1875-1963)

L'importance de l'œuvre de Villon n'a guère été reconnue que depuis 1950, alors que l'artiste avait déjà, au cours d'une carrière de plus de cinquante ans, exécuté sept à huit cents toiles et près de cinq cents gravures, dans différentes manières qui toutes, dès 1910, furent riches de nouveautés. La raison de cette reconnaissance tardive réside en partie dans la discrétion de l'artiste qui poursuivit ses recherches dans le même atelier de Puteaux, parallèlement aux mouvements bruyants de Montmartre ou de Montparnasse, sans jamais s'y confondre entièrement. D'autre part, si l'origine de son style doit beaucoup au cubisme, Villon ne s'y appliqua qu'après Picasso, Braque et Gris, et dans une manière très personnelle, où la théorie joue un très grand rôle, contrairement à la création – anarchique – de Picasso. Soucieux avant tout d'apporter au cubisme des effets dynamiques et colorés, il anticipa avec ses frères, le sculpteur Raymond Duchamp-Villon et Marcel Duchamp, l'apparition en France du futurisme, côtoyant souvent les effets purement sensoriels des premiers peintres abstraits. Il était logique qu'il ne fût pleinement apprécié qu'à une époque où l'abstraction lyrique battait son plein. C'est l'œuvre de Villon qui constitue le lien le plus logique entre tous les courants de l'art français moderne, de l'impressionnisme à l'abstraction lyrique ou même géométrique. À l'inverse de son frère, Marcel Duchamp, dont l'œuvre fulgurante et tout intellectuelle fascine encore de nos jours l'avant-garde internationale, Jacques Villon représenta plutôt, par son souci premier de l'équilibre harmonieux des formes et des couleurs, un aspect très français de l'art graphique qui doit beaucoup à Cézanne et à Seurat, où les cubistes français Gleizes, Metzinger, Léger, La Fresnaye, Delaunay se sont reconnus de préférence, et dont se réclamèrent plus tard les abstraits français comme Bazaine, Estève ou Manessier.

Les Duchamp et l'avant-garde des années 1900

Venu de sa Normandie natale s'installer à Paris en 1894, Gaston Duchamp, qui prit alors, en hommage au poète, le pseudonyme de Villon, put s'adonner à l'art avec son frère, Raymond, d'un an plus jeune, qui interrompit sa médecine pour se faire sculpteur : leur père, notaire, versait aux deux frères une pension qui leur permit de travailler sans but lucratif. D'autre part, Villon tirait quelques revenus des dessins d'humour qu'il plaçait, comme beaucoup de ses camarades, dans les revues illustrées de l'époque. Ces premiers dessins, quoique reniés par l'artiste, ne sont pas sans importance. Ils dénotent déjà la sûreté du dessinateur à croquer simplement une scène savamment composée et ont pu contribuer à perfectionner ce style soucieux de l'effet agréable dont le mouvement ne compromet jamais l'équilibre, qui sera propre aux toiles très élaborées de Villon. De même, dans les très nombreuses pointes-sèches qu'il exécuta à cette époque pour le marchand Sagot, et qui abondent dans le sens décoratif des estampes à la mode de Tissot ou de Helleu, on trouve ce goût traditionnel de l'harmonie des lignes et des essais de couleurs ne visant, selon l'expression qu'emploiera Kandinsky, qu'à « la pure joie sensorielle ». Ces éléments seront essentiels dans l'art de Villon et le maintiendront toujours dans une certaine tradition classique.

Bien qu'il ait participé avec son frère, à partir de 1904, aux premiers Salons d'automne, il ne semble pas que le fauvisme l'ait beaucoup retenu, peut-être précisément par l'outrance des couleurs et le désordre apparent des compositions, principes opposés à ceux qu'il recherche. Se sentant au contraire plus proche des soucis mathématiques[...]

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Écrit par

  • : directeur de la bibliothèque publique d'information, Centre Georges-Pompidou

Classification

Pour citer cet article

Michel MELOT. VILLON JACQUES (1875-1963) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • POINTE-SÈCHE

    • Écrit par Michel MELOT
    • 609 mots

    Outil dont se servent les artistes pour graver une plaque de métal ; par extension, le terme désigne le procédé qui découle de l'utilisation de la pointe ou même l'épreuve imprimée qui en résulte. Les premiers graveurs en taille douce utilisaient un burin, qui demeura l'instrument de prédilection...

  • VITRAIL

    • Écrit par Catherine BRISAC, Louis GRODECKI
    • 5 914 mots
    • 6 médias
    ...Seconde Guerre mondiale, le service des Monuments historiques comprit l'avantage qu'il pouvait attendre de ces entreprises en commandant des œuvres à Jacques Villon (1957), puis à Chagall (1959) pour la cathédrale de Metz ; à Vieira da Silva pour Saint-Jacques de Reims (1973) ; au peintre américain...

Voir aussi