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INGÉNIEUR ET ARCHITECTE

Au cours de la Renaissance, les figures de l'architecte et de l'ingénieur se confondent pratiquement. Filippo Brunelleschi, généralement considéré comme un des pères fondateurs de l'architecture renaissante, est presque autant ingénieur qu'architecte. Ne conçoit-il pas les machines destinées à permettre la réalisation de son plus célèbre projet, le dôme de la cathédrale de Florence ? Il en va de même de Philibert Delorme, un des principaux introducteurs de la Renaissance italienne en France.

Des itinéraires contrastés

Progressivement cependant, les chemins de l'architecte et de l'ingénieur commencent à se séparer. Aux architectes la conception des palais, des églises et des hôtels particuliers, aux ingénieurs les ouvrages de défense et les travaux de génie civil : routes, ponts, canaux et ports de mer. La séparation ne devient complète qu'à la charnière des xviiie et xixe siècles, avec l'apparition de corps et d'écoles d'ingénieurs – Ponts et Chaussées, Mines ou encore École polytechnique dans un pays comme la France –, avec l'émergence d'associations professionnelles, comme la Society of Civil Engineers au Royaume-Uni.

Au siècle de l'industrie, la ligne de partage semble désormais claire. Tandis que l'architecte demeure l'homme de projets particuliers, généralement marqués par un souci de monumentalité, l'ingénieur pense en termes d'infrastructures et de réseaux destinés à couvrir l'ensemble du territoire. L'apparition des chemins de fer, dans les années 1820-1830, vient renforcer cette opposition entre l'objet architectural isolé et le réseau appelé à s'étendre dans toutes les directions.

À l'articulation du monde de la construction et de celui des beaux-arts, l'œuvre de l'architecte entend répondre à des besoins aussi bien matériels que spirituels. Pour cela, elle doit se fonder sur une analyse raisonnée du programme et faire appel aux matériaux et aux techniques du siècle, comme le métal ou le verre. Mais il lui faut également parler la langue de la culture et se présenter comme une synthèse artistique, fondée à la fois sur la tradition et sur la recherche d'une inspiration originale. Se réclamant de l'histoire et de ses enseignements, l'architecture du xixe siècle cherche à féconder le présent en revisitant les styles du passé. Leur étude occupe une place importante dans l'enseignement de l'École des beaux-arts, qui forme l'élite de la profession architecturale en France et influence de très nombreux établissements étrangers.

Rien de tel dans le domaine de l'ingénierie. Au lieu de faire appel à l'histoire, l'ingénieur entend se situer à la fois aux origines et dans l'avenir. Aux origines, car son travail répond à des besoins souvent immémoriaux, et ce de façon en quelque sorte archétypique. Dans l'avenir, car l'usage des techniques les plus performantes pointe en direction du futur. Œuvre emblématique de l'ingénierie, le pont incarne parfaitement ce positionnement quelque peu paradoxal, en amont et en aval de l'histoire et de l'état présent de la civilisation. Il renvoie d'un côté à un besoin de franchissement qui n'a guère changé depuis les débuts de l'humanité ; il mobilise de l'autre des calculs et des techniques de mise en œuvre sophistiqués. Tandis que le progrès consiste pour l'architecte à relire inlassablement les pages du grand livre de l'histoire de l'humanité en transposant ses enseignements dans le présent, l'ingénieur se détourne de ce qui lui apparaît comme un savoir poussiéreux, afin de regarder simultanément du côté de la nature et des premiers besoins de l'homme, et en direction de l'avenir.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'architecture et des techniques à la Graduate school of design de l'université Harvard, Cambridge, Massachusetts (États-Unis)

Classification

Pour citer cet article

Antoine PICON. INGÉNIEUR ET ARCHITECTE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Le Corbusier - crédits : Felix Man/ Getty Images

Le Corbusier

La tour Eiffel - crédits : Medioimages/ Photodisc/ Getty Images

La tour Eiffel

Caserne de pompiers, Z. Hadid - crédits : Hilbich/ AKG-images

Caserne de pompiers, Z. Hadid

Autres références

  • ARCHITECTES ET INGÉNIEURS (expositions)

    • Écrit par Michel COTTE
    • 1 247 mots

    L'ouvrage d'art et le grand bâtiment public ou industriel prennent place à la frontière de deux cultures, celle des architectes et celle des ingénieurs. Confrontation et complémentarité, affirmation d'autonomie et source mutuelle d'inspiration, l'ambiguïté paraît marquer cette rencontre. Les démarches...

Voir aussi