Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GÉOGRAPHIE

Géographie systémique

La est née de la nécessité de développer une science de l'espace géographique qui s'intéresse davantage au général qu'au particulier et à l'explication qu'à la description. Dans les années 1950, face à une géographie « classique » jugée trop descriptive, « très engagée dans un inventaire de la surface de la terre, occupée à dresser le catalogue raisonné de tous les objets qui l'occupent » (Philippe et Geneviève Pinchemel, La Face de la Terre), cette « nouvelle géographie » se pose, aux États-Unis, comme un nouveau paradigme scientifique. La géographie a ainsi suivi le mouvement systémique qui a touché une grande partie des sciences et des sciences humaines en particulier, notamment synthétisé par Ludwig von Bertalanffy dans la Théorie générale des systèmes en 1968 (traduit en français en 1973).

Une nouvelle démarche théorique

Le système (du grec sustêma : ce qui tient ensemble) permet aux géographes de passer de l'organicisme de la géographie classique à une approche systémique récusant les causalités linéaires. Les lieux sont étudiés à travers leurs interactions spatiales, qui constituent une grande part de leurs propriétés et de leurs dynamiques. Le passage de l'étude des lieux à celle de leurs relations correspond aussi à l'affirmation de la démarche théorique par rapport à l'approche empirique. La recherche de lois tend à délocaliser les lieux de référence et à réduire les lieux concrets à des lieux d'expérimentation. En d'autres termes, les lieux ne sont plus étudiés pour eux-mêmes, mais constituent le support de réflexions géographiques sur le rôle de la distance, de la continuité, de la forme ou de la hiérarchie. Jean-Bernard Racine et Henri Reymond (L'Analyse quantitative en géographie, 1973) insistent sur le rôle de l'explication générale « d'un tout organique plus ou moins structuré ». David Harvey (géographe marxiste américain né en 1935, dont les recherches et l'engagement politique ont marqué toute une génération de chercheurs en sciences humaines) de son côté, suggère un statut comparable des lois d'interactions spatiales aux lois de la physique, tout en réservant un sort particulier à la géographie culturelle (Explanation in Geography, 1969).

La région, qui était au cœur de la géographie classique, n'a pas de sens si elle est étudiée seule, et doit au contraire être intégrée dans une « géographie régionale comparée systématique » pour éviter « de commettre des erreurs d'appréciation » (Roger Brunet). L'organisation de l'espace devient l'objet central de l'« analyse spatiale » (locational analysis) ou de la « théorie de la localisation » (location theories). L'espace remplace donc le lieu, et la question du « pourquoi ici et pas ailleurs ? » focalise les recherches sur les localisations et sur le concept de situation.

Cette nouvelle géographie s'est d'abord développée à Seattle, à Chicago (Brian Berry, William Bunge, Peter Gould), à Cambridge au Royaume-Uni (Richard Chorley, Peter Haggett) et à Lund en Suède (Torsten Hägerstrand). Sa diffusion en France est due en grande partie aux géographes canadiens, notamment québécois, qui ont initié leurs collègues français aux renouveaux conceptuels et méthodologiques. Cette diffusion dans la géographie française a coïncidé avec la relève générationnelle issue de l'après-guerre. Des revues ont largement institutionnalisé ces approches : L'Espace géographique créée en 1972, les Brouillons Dupont, ou des revues régionales innovantes : Revue de géographie de l'Est, Travaux de l'Institut de géographie de Reims, Cahiers de géographie de Rouen, Cahiers de géographie de Besançon. Toutefois, ce mouvement épistémologique n'a touché qu'une[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Montpellier-III
  • : directeur de l'Institut de géographie de l'université de Paris
  • : membre de l'Institut
  • : professeur à l'université de Paris-I
  • : maître de conférences H.D.R. en géographie à l'université de Montpellier-III
  • : professeur agrégé des Universités, professeur à l'université de Montpellier-III-Paul-Valéry

Classification

Pour citer cet article

Dominique CROZAT, Jean DRESCH, Pierre GEORGE, Philippe PINCHEMEL, Céline ROZENBLAT et Jean-Paul VOLLE. GÉOGRAPHIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Hémisphères terrestres - crédits : Living Earth

Hémisphères terrestres

Hérodote - Halicarnasse (Asie Mineure) - crédits : G. Nimatallah/ De Agostini/ Getty Images

Hérodote - Halicarnasse (Asie Mineure)

Autres références

  • GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE

    • Écrit par Isabelle THOMAS
    • 6 632 mots
    • 2 médias

    La géographie économique se situe à l’intersection de deux disciplines (la géographie et l’économie), qui toutes deux ont évolué au gré des courants de pensée, conduisant à nombre de définitions et de sous-disciplines souvent remises en cause.

    Une discipline se définit par le point de...

  • AMÉRIQUE (Histoire) - Découverte

    • Écrit par Marianne MAHN-LOT
    • 4 807 mots
    • 6 médias
    ...récits des voyageurs qui sont allés jusqu'au fond de l'Asie. La figure de l'univers habité se précise avec la découverte et la publication (en 1408) de la Géographiede Ptolémée, le célèbre astronome alexandrin du iie siècle. Comme Aristote, Ptolémée considérait que la Terre était ronde et qu'un même...
  • ASIE (Géographie humaine et régionale) - Espaces et sociétés

    • Écrit par Philippe PELLETIER
    • 23 142 mots
    • 4 médias
    Laconception habituelle et normative de l'Asie relève d'un découpage du monde, d'origine occidentale, en six continents. Élaborée au xvie siècle en fonction de critères topographiques mais aussi socioculturels et politiques, elle est légitimée au cours du xixe siècle par une...
  • BAILLY ANTOINE (1944-2021)

    • Écrit par Renato SCARIATI
    • 895 mots
    • 1 média

    Pionnier en Europe de la géographie humaniste et de la science régionale, Antoine Bailly a su mettre en avant le rôle social et politique de la géographie urbaine, économique et culturelle.

    Né à Belfort le 4 juillet 1944, Antoine Bailly fait des études de géographie à l’université de Besançon,...

  • CARTOGRAPHIE

    • Écrit par Guy BONNEROT, Estelle DUCOM, Fernand JOLY
    • 8 489 mots
    • 3 médias

    La cartographie a pour but la conception, la préparation et la réalisation des cartes. Sa vocation est la représentation du monde sous une forme graphique et géométrique. En cela, elle répond à un besoin très ancien de l'humanité qui est de conserver la mémoire des lieux et des voies de communication...

  • Afficher les 57 références

Voir aussi