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GÉOGRAPHIE

Orientations et méthodes

Dans son souci d'une analyse globale de la surface de la Terre, le géographe se voit reprocher une prétention excessive : il toucherait à tout et resterait superficiel. Il a du reste lui-même conscience du danger. Certes, l'idéal demeure, pour lui, de dominer les divers secteurs de sa spécialité, d'être à la fois « physicien » et « humain ». Aussi bien comment n'être pas l'un et l'autre en géographie régionale ? Dans certains pays, il est encore d'usage de se spécialiser le moins possible et de démontrer, par des travaux à la fois de géographie physique et humaine, qu'on est un géographe complet. Mais il est évidemment de plus en plus utopique d'imaginer un géographe capable d'utiliser toutes les méthodes nécessaires, de connaître une documentation sans cesse accrue par la multiplication des publications non seulement de géographie, mais aussi de toutes les disciplines et techniques dites annexes. Ce serait supposer non seulement des capacités intellectuelles exceptionnelles, mais encore une organisation de la documentation qui n'existe dans aucun pays ni sous une forme internationale.

La limitation de l'objet de la géographie et ses dangers

Certains géographes ont cherché, surtout depuis la Seconde Guerre mondiale, à délimiter la géographie en réduisant l'étendue de son objet, toujours plus démesuré par la précision et la variété croissantes des méthodes de recherche, l'amplitude grandissante de la documentation nécessaire. Mais il y a bien des façons, toutes dangereuses, de limiter l'objet de la géographie.

L'une, fort simple, consiste à ignorer les méthodes nouvelles, à faire, par exemple, de la géomorphologie sans pétrographie ou sédimentologie, de la géographie économique sans utiliser les statistiques économiques ou financières. Une autre méthode limite la documentation, ignore, par exemple, les travaux étrangers, en quelque langue que ce soit, et borne ses références à une seule langue, fût-elle l'anglais. Dans un cas comme dans l'autre, c'est se condamner, à plus ou moins brève échéance, à la stérilité.

Une autre tentative consiste à séparer la géographie physique et la géographie humaine. Cette coupure menace depuis longtemps. Elle résulte de causes diverses. L'une est la formation des géographes. Dans de nombreux pays, les géomorphologues reçoivent une formation de géologue, les biogéographes de biologiste, tandis que les géographes qui ont reçu une formation littéraire s'orientent de préférence vers la géographie humaine. En outre, dans les diverses sections de la géographie physique, surtout en géomorphologie, les progrès accomplis depuis la seconde moitié du xixe siècle ont précédé ceux de la géographie humaine, grâce à une recherche plus systématique de méthodes nouvelles ou à l'adaptation de méthodes des sciences naturelles à des thèmes définis : géomorphologie structurale en fonction de la déformation des roches et de leur résistance, géomorphologie historique qui eut son heure de succès sous le nom de géomorphologie cyclique, géomorphologie dynamique, en fonction de processus dont l'étude est de plus en plus précise à l'aide de méthodes d'analyse des dépôts superficiels et des sols ainsi que d'expérimentations sur le terrain ou en laboratoire. Elle ne saurait désormais être isolée des autres sections de la géographie physique dont les méthodes se précisent en même temps (climatologie, hydrologie, etc.), car les modes d'écoulement et la pédogenèse, par exemple, dépendent des climats, mais sont déterminants pour la morphogenèse. Après avoir attiré les chercheurs par sa précision, la géomorphologie finit par en rebuter par la minutie des techniques (granulométrie, morphoscopie, etc.), qui semblent éloignées de la géographie physique proprement dite. Mais il convient de ne pas confondre les méthodes[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Montpellier-III
  • : directeur de l'Institut de géographie de l'université de Paris
  • : membre de l'Institut
  • : professeur à l'université de Paris-I
  • : maître de conférences H.D.R. en géographie à l'université de Montpellier-III
  • : professeur agrégé des Universités, professeur à l'université de Montpellier-III-Paul-Valéry

Classification

Pour citer cet article

Dominique CROZAT, Jean DRESCH, Pierre GEORGE, Philippe PINCHEMEL, Céline ROZENBLAT et Jean-Paul VOLLE. GÉOGRAPHIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Hémisphères terrestres - crédits : Living Earth

Hémisphères terrestres

Hérodote - Halicarnasse (Asie Mineure) - crédits : G. Nimatallah/ De Agostini/ Getty Images

Hérodote - Halicarnasse (Asie Mineure)

Autres références

  • GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE

    • Écrit par Isabelle THOMAS
    • 6 632 mots
    • 2 médias

    La géographie économique se situe à l’intersection de deux disciplines (la géographie et l’économie), qui toutes deux ont évolué au gré des courants de pensée, conduisant à nombre de définitions et de sous-disciplines souvent remises en cause.

    Une discipline se définit par le point de...

  • AMÉRIQUE (Histoire) - Découverte

    • Écrit par Marianne MAHN-LOT
    • 4 807 mots
    • 6 médias
    ...récits des voyageurs qui sont allés jusqu'au fond de l'Asie. La figure de l'univers habité se précise avec la découverte et la publication (en 1408) de la Géographiede Ptolémée, le célèbre astronome alexandrin du iie siècle. Comme Aristote, Ptolémée considérait que la Terre était ronde et qu'un même...
  • ASIE (Géographie humaine et régionale) - Espaces et sociétés

    • Écrit par Philippe PELLETIER
    • 23 142 mots
    • 4 médias
    Laconception habituelle et normative de l'Asie relève d'un découpage du monde, d'origine occidentale, en six continents. Élaborée au xvie siècle en fonction de critères topographiques mais aussi socioculturels et politiques, elle est légitimée au cours du xixe siècle par une...
  • BAILLY ANTOINE (1944-2021)

    • Écrit par Renato SCARIATI
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    Pionnier en Europe de la géographie humaniste et de la science régionale, Antoine Bailly a su mettre en avant le rôle social et politique de la géographie urbaine, économique et culturelle.

    Né à Belfort le 4 juillet 1944, Antoine Bailly fait des études de géographie à l’université de Besançon,...

  • CARTOGRAPHIE

    • Écrit par Guy BONNEROT, Estelle DUCOM, Fernand JOLY
    • 8 489 mots
    • 3 médias

    La cartographie a pour but la conception, la préparation et la réalisation des cartes. Sa vocation est la représentation du monde sous une forme graphique et géométrique. En cela, elle répond à un besoin très ancien de l'humanité qui est de conserver la mémoire des lieux et des voies de communication...

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Voir aussi