Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

COPPOLA FRANCIS FORD (1939- )

La défense d'un cinéma d'auteur

C'est alors que Coppola se prend au piège de ses propres contradictions. Fustigeant l'Amérique capitaliste et impérialiste, il construit en 1969 une gigantesque structure cinématographique : American Zoetrope, studio censé garantir la liberté de création artistique aux cinéastes les plus ambitieux du monde, lui compris. Fort de ses réussites récentes, il met en chantier un projet hyperhollywoodien teinté de film expérimental : Coup de cœur (One from Heart, 1982) où une banale histoire d'amours difficiles est contrebalancée par le baroque des décors, des couleurs, le recours à la technologie électronique. Le film est un gouffre financier. Le réalisateur persiste et ouvre ses portes à Wim Wenders, mais phagocyte son Hammett (1983). Producteur tant frénétique qu'avisé, il réalise coup sur coup, en 1983, un film pour adolescents (The Outsiders) et un autre à nouveau proche de l'expérimental Rusty James (Rumble Fish), apprécié de la critique internationale. Son délire visuel le pousse peu après à reconstituer l'époque glorieuse du Cotton Club (1984), qui s'avère un autre échec commercial. Coppola ne se laisse pas pour autant abattre et trouve aussitôt refuge dans un film nostalgique et plus conventionnel, Peggy Sue s'est mariée (Peggy Sue Got Married, 1986). Le tout forme un ensemble de films cependant cohérent où ses thèmes préférés se côtoient régulièrement : la famille, les amours malheureuses, les destins hasardeux, les pouvoirs contrariés, la dualité morale de l'être, la culpabilité, la compassion maladroite, la tendresse inavouée, l'aveuglement autodestructeur, la déroute de la marginalité, l'amour comme panacée. Une conception quasi visionnaire de la mise en scène caractérise ces œuvres, en permanence axée sur les jeux contrastés de lumières chaudes, la stylisation très élaborée des décors, la mouvance expressionniste de la caméra, le montage alterné, le son d'ambiance conçu comme véritable composition lyrique et la musique alternant créations originales et emprunts à divers répertoires...

À partir de la fin des années 1980 l'œuvre stagne (Jardins de pierre[Gardens of Stone], 1987), se complaît dans l'autoréférence (Tucker : The Man and His Dream, 1988), se répète (Le Parrain 3[The Godfather Part III], 1990) ou s'efforce de se renouveler dans le flamboyant excessif (Dracula[Bram Stocker's Dracula], 1992). En 1996 Coppola traite d'un faux bon sujet : Jack, l'histoire d'un enfant né prématurément et qui grandit quatre fois plus vite que la normale et, en 1997, il adapte le roman à succès de John Grisham, L'Idéaliste (The Rainmaker), où il renoue avec l'un de ses thèmes de prédilection, l'absolutisme qui ne peut conduire qu'à la vacuité. C'est un nouvel échec financier. Nombreux sont ceux qui alors perçoivent le wonder boy des seventies comme étant à court aussi bien d'inspiration que d'argent. Son nouveau montage, plus complet, d'Apocalypse Now devenu Redux en 2001, nous rappelle toutefois son génie cinématographique, sachant brillamment allier la forte originalité d'une histoire, souvent empruntée à autrui (ici la célèbre nouvelle de Joseph Conrad Au cœur des ténèbres) mais totalement personnalisée, et toujours confiée aux meilleurs techniciens, Gordon Willis (les Parrain), Vittorio Storaro (Apocalypse Now, Coup de cœur), pour l'image, et, pour le son et le montage, Walter Murch (Conversation secrète). Succès d'estime seulement qui ne décourage décidément pas notre auteur, puisque, depuis une dizaine d'années, il multiplie ses activités de producteur, soutenant ses enfants passés à la réalisation, Sofia (Virgin Suicides, 1999 ; Lost in Translation, 2003 ; Marie Antoinette, 2006 ; Somewhere, 2010 ; The Bling[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : enseignant-chercheur retraité de l'université de Strasbourg

Classification

Pour citer cet article

Michel CIEUTAT. COPPOLA FRANCIS FORD (1939- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<em>Le Parrain</em>, F. F. Coppola - crédits : Jack Stager/ Paramount Pictures/ Album/ AKG-images

Le Parrain, F. F. Coppola

Autres références

  • APOCALYPSE NOW, film de Francis Ford Coppola

    • Écrit par Kristian FEIGELSON
    • 934 mots

    Apocalypse Now est autant une réflexion sur la guerre, l'absurdité de l'engagement américain au Vietnam que sur la condition humaine. Après différents films tournés dans les années 1960, Francis Ford Coppola achève en 1972 le premier volet du Parrain (The Godfather) qu'Hollywood...

  • APOCALYPSE NOW (F. F. Coppola), en bref

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 226 mots

    Sept ans de gestation, treize mois de tournage, deux ans de montage, plusieurs versions, jusqu'à la dernière en 2001 ! Œuvre de la démesure, Apocalypse Now est, selon l'expression même de F. F. Coppola, un « opéra filmique ». C'est lui qui, en tant que producteur, a suggéré à John Milius...

  • CAGE NICOLAS (1964- )

    • Écrit par Universalis
    • 541 mots

    L 'acteur américain Nicolas Cage est surtout connu pour avoir joué dans des films d'action et des grosses productions hollywoodiennes. Il a reçu un oscar pour son rôle dans Leaving Las Vegas (1995).

    Né le 7 janvier 1964 à Long Beach, en Californie, Nicholas Kim Coppola est le neveu du...

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    ...aussi, pour reprendre l'expression de Fritz Lang dans Le Mépris (1963) de Jean-Luc Godard, de « finir ce que l'on a commencé ». Tel est le cas de Francis Ford Coppola qui offre une magnifique méditation sur le temps et la filiation dans Le Parrain III (1990), quinze ans après le second épisode....
  • DUVALL ROBERT (1931- )

    • Écrit par Universalis
    • 596 mots

    Acteur américain, né le 5 janvier 1931 à San Diego, en Californie.

    Fils d’un amiral de la marine américaine, Robert Duvall sert deux ans dans l’armée pendant la guerre de Corée puis obtient, en 1953, un diplôme d’art dramatique au Principia College (Illinois). Parti s’installer à New York, il suit...

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Le théâtre et le cinéma

    • Écrit par Geneviève FABRE, Liliane KERJAN, Joël MAGNY
    • 9 328 mots
    • 11 médias
    ...1975). Lorsque, en 1972, la Paramount invente un nouveau mode de distribution massive accompagné d'un énorme budget publicitaire avec Le Parrain, de Francis Ford Coppola, elle ouvre l'ère des records. Placé d'emblée en tête du box-office de tous les temps, le film sera dépassé dès l'année suivante par...
  • Afficher les 8 références

Voir aussi