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CROSSOPTÉRYGIENS

Le nom « crossoptérygidés » (Crossopterygidae) a été créé par le paléontologue britannique Thomas Henry Huxley (1825-1895) en 1861, pour désigner un ensemble de poissons comprenant les polyptères actuels (Polypterus) et divers poissons fossiles du Paléozoïque (ère primaire), dont des actinoptérygiens primitifs, des actinistiens, des dipneustes primitifs et certains groupes éteints comme les Ostéolépiformes et les Porolépiformes. Le seul caractère commun de ces poissons était la présence de nageoires pourvues d'un lobe basal charnu et bordé d'une frange de lépidotriches (rayons dermiques). Les crossoptérygidés furent plus tard élevés au rang d'ordre, devenant Crossoptérygiens (Crossopterygii).

Dans les années 1880, le paléontologue américain Edward Drinker Cope (1840-1897) a montré que certains crossoptérygiens, qu'il nomma rhipidistiens, présentaient quelques caractères (dents à structure plissée, structure de l'endosquelette des nageoires, structure du palais) suggérant une étroite parenté avec les vertébrés terrestres pourvus de membres et de doigts, ou tétrapodes. On avait peu à peu retiré des Crossoptérygiens les polyptères (qui sont reconnus maintenant comme des actinoptérygiens primitifs), certains actinoptérygiens fossiles et les dipneustes fossiles, que Huxley y avait malencontreusement inclus, ce qui les réduisait aux seuls rhipidistiens et actinistiens. Néanmoins, l'idée que les Crossoptérygiens étaient les ancêtres des Tétrapodes s'est peu à peu imposée dès le début du xxe siècle. C'est aussi à cette même époque que les Dipneustes, qui avaient longtemps été les ancêtres favoris pour les Tétrapodes, furent exclus d'une parenté étroite avec les Crossoptérygiens et, donc, avec les Tétrapodes. Pour ajouter à cette confusion, certains anatomistes continuaient à adhérer à une ancienne théorie selon laquelle les polyptères étaient les poissons les plus proches des Tétrapodes et, comme Huxley avait aussi inclus les polyptères dans les Crossoptérygiens, la descendance des Tétrapodes à partir de Crossoptérygiens restait acceptable, mais avec des ancêtres différents.

Dans la seconde moitié du xxe siècle, on s'aperçut que les Dipneustes étaient en fait des rhipidistiens à l'anatomie profondément modifiée et il devint clair que Dipneustes, « Crossoptérygiens » (au sens de Cope) et Tétrapodes formaient un groupe monophylétique, pour lequel le paléontologue américain Alfred Sherwood Romer (1894-1973) proposa, en 1955, le nom de Sarcoptérygiens (Sarcopterygii). Les poissons que l'on avait continué d'appeler « Crossoptérygiens » ne sont en fait que les Sarcoptérygiens qui ont conservé l'anatomie primitive de ce groupe, soit les Sarcoptérygiens à l'exception des Dipneustes et des Tétrapodes. Les « Crossoptérygiens » sont donc un groupe paraphylétique et c'est pour cette raison que cette dénomination n'est pratiquement plus utilisée aujourd'hui, remplacée par celle de Sarcoptérygiens, mieux définie et sans ambiguïté.

— Philippe JANVIER

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Classification

Pour citer cet article

Philippe JANVIER. CROSSOPTÉRYGIENS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CŒLACANTHES

    • Écrit par Daniel ROBINEAU
    • 2 671 mots
    • 3 médias
    ...premier spécimen de cœlacanthe fut pêché à la veille de Noël 1938, le long de la côte orientale de l'Afrique du Sud, non loin du petit port d'East London. L' ichtyologue J. L. B. Smith l'identifia comme un représentant actuel des Crossoptérygiens (ou poissons à « nageoires frangées ») de l'ordre...
  • FOSSILES

    • Écrit par Raymond FURON, Armand de RICQLÈS
    • 5 808 mots
    • 1 média
    ...l'Afrique du Sud, puis récolté aux Comores par des missions françaises ultérieures, une étude approfondie a conduit à placer ce poisson dans le groupe de Crossoptérygiens, que l'on croyait éteint depuis le Crétacé. À côté de caractères conservateurs évoquant les Crossoptérygiens ancestraux, ...
  • SARCOPTÉRYGIENS

    • Écrit par Philippe JANVIER
    • 3 775 mots
    ...crâne, la présence de choanes vraies et surtout la structure du squelette de leurs nageoires paires qui préfigure celle du membre chez les tétrapodes. À l'aube du xxe siècle, ces « crossoptérygiens » fossiles, en particulier l'ostéolépiforme dévonien Eusthenopteron, étaient unanimement...

Voir aussi