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HONG KONG CINÉMA DE

En Occident, le cinéma de Hong Kong a longtemps été associé à l’aura de Bruce Lee (1940-1973) et aux films de kung-fu, parfois appelés, à tort, « films de karaté ». En raison du statut de colonie britannique de la ville jusqu’en 1997, il a pu transformer la tradition des arts martiaux en genre cinématographique, car, sur le continent, la représentation de la Chine impériale avait été bannie des écrans par le régime communiste de Pékin. Les films d’arts martiaux, à l’image du western pour l’Amérique, ont ainsi permis à tout un peuple de se réapproprier son histoire. Hong Kong a été le lieu de transit d’une mémoire en exil, qu’il a confrontée à la singularité de la culture cantonaise, originaire du Sud. Car tout au long de son existence, le cinéma de Hong Kong a parlé deux langues, tantôt le cantonais, la langue locale, tantôt le mandarin, la langue de la Chine continentale. Après avoir assumé symboliquement sa double identité, entre culture populaire du Sud et culture lettrée du Nord (par l’entremise de l’opéra de Pékin), il a vécu sur un mode panique la rétrocession de la colonie à la Chine, en 1997, de nombreux cinéastes et comédiens préférant poursuivre leur carrière aux États-Unis. Et sur les cendres du cinéma d’arts martiaux, fleuron de l’industrie locale, est né un authentique artiste, Wong Kar-wai, symbole du renouveau esthétique du cinéma mondial.

Les pionniers

Dès que les Japonais occupent Shanghai en 1938, des cinéastes chinois se réfugient à Hong Kong, où ils tournent des films patriotiques anti-japonais. Ce premier élan, insufflé par des émigrés, initiateurs du cinéma de la colonie, s’interrompt lorsque les Japonais s’emparent de la ville en 1941. La seconde vague d’émigration à la fin des années 1940 sera décisive. Elle concerne les cinéastes restés à Shanghai en 1938 (Maxu Weibang, Li Pingqian) et ceux qui fuient la guerre civile qui oppose le Guomindang aux communistes. Regroupés autour de quelques compagnies, ils imposent un cinéma parlé en mandarin, bien accueilli par une population de réfugiés. Parmi eux, Zhu Shilin (1899-1967) fait figure de pionnier. Tout d’abord avec Sorrows of the Forbidden City (1948), qui évoque la révolte des Boxers et l’impératrice Cixi. Ensuite avec Spoiling the Wedding Day (1951), le premier film hongkongais à s’intéresser à la population locale et à ses problèmes, alors que tous les autres ont pour cadre la Chine ancienne. Orientation que prolonge Festival Moon (1953), récit d’un employé obligé de s’endetter pour offrir un cadeau à son patron lors d’une fête annuelle. Le cinéma de Zhu Shilin, axé sur des sujets sociaux et inspirateur d’une école réaliste, donne naissance au mélodrame cantonais, qui met en scène la cellule familiale tout en privilégiant l’aspect sentimental au détriment de la critique sociale. Ses représentants sont Li Tie (1913-1996), qui totalise environ cent vingt films, et surtout Qin Jian (1926-1969), réalisateur de soixante films, dont le superbe Parent'sHeart (1953). Ce dernier se suicide en 1969, à l’âge de quarante-trois ans, l’année où il réalise Farewell My Love et Rivers of Tears. Le mélodrame cantonais aura été le genre dominant du cinéma de Hong Kong pendant quinze ans (1950-1965), avant de disparaître à la suite de l’engouement du public pour le cinéma d’arts martiaux.

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Écrit par

  • : journaliste
  • : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Adrien GOMBEAUD et Charles TESSON. HONG KONG CINÉMA DE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>In the Mood for Love</em>, Wong Kar-wai - crédits : 2000 USA Films/ Online USA/ Hulton Archive/ Getty Images

In the Mood for Love, Wong Kar-wai

<em>Big Boss</em>, Lo Wei - crédits : Everett Collection/ Aurimages

Big Boss, Lo Wei

Autres références

  • BIG BOSS, film de Wei Lo

    • Écrit par Laurent JULLIER
    • 926 mots

    Né à San Francisco, Li Zhenfan (1940-1973), dit Bruce Lee, débute au cinéma à dix ans au côté de son père dans Le Kid (Xilu xiang de Feng Feng, 1950). Il travaille ensuite sur d'autres films sous le pseudonyme de Li Kiaolong ou « Li le petit dragon », avant de faire des études de philosophie...

  • CHEUNG LESLIE (1956-2003)

    • Écrit par Universalis
    • 146 mots

    Acteur et chanteur de Hong Kong. De son vrai nom Cheung Kwok-Wing. Leslie Cheung, étudiant à Leeds, en Angleterre, gagne la célébrité dès son premier album de pop music, en 1981, intitulé The Wind Blows On. Il entame parallèlement une carrière d'acteur, jouant dans Le Syndicat du crime...

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    ...trouve une forme de nouvel espace. Mais c'est surtout en Extrême-Orient que le désir de cinéma a trouvé ses conditions les plus viables. Les cinémas du Japon, de Corée, de Hong Kong, Taïwan et de Chine, fondés sur de solides traditions artisanales, ont su réactiver leur production à partir de genres...
  • THE GRANDMASTER (Wong Kar-Wai)

    • Écrit par Pierre GRAS
    • 889 mots
    • 1 média

    Présenté à Berlin au début de 2013, The Grandmaster a marqué le retour très attendu de Wong Kar-wai qui, après son 2046 à la fois magistral et déconcertant (2004), n’avait pas retrouvé le succès public. Son court-métrage La Main (2005), intégré à l’inégal Eros comprenant également...

  • Afficher les 9 références

Voir aussi