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CASUISTIQUE

Jalons d'histoire

Inlassable quête d'une impossible pureté

Dans l'histoire des religions, la casuistique apparaît liée aux problèmes du pur et de l'impur, des purifications et des péchés, aux lois rituelles. Dans les religions anciennes (Égyptiens, Babyloniens, sectateurs de Zoroastre), dans les lois sacrales des Grecs, on rencontre des catalogues de fautes, des rituels de confession.

Dans le judaïsme du début de notre ère, la casuistique devait trouver un terrain extrêmement propice. Le désir scrupuleux d'appliquer la loi aux détails quotidiens de la vie, mais en même temps de rendre la vie possible tout en maintenant au moins la lettre de la loi et des traditions, inclinait les docteurs de la loi à une subtilité toujours plus grande. Le Talmud en contient des exemples surprenants, spécialement pour la loi du sabbat et les observances de pureté rituelle.

Casuistique et charité

La morale néotestamentaire nous présente, elle aussi, des éléments de casuistique. Que l'on songe aux écrits de saint Paul sur les idolothytes, le mariage et la virginité, le travail. Mais la casuistique n'est pas ici une fin en soi, elle est tout ordonnée à la mise en œuvre de la charité.

Il en est de même chez les Pères de l'Église, lorsqu'ils donnent une réponse concrète aux problèmes moraux de leur temps. L'expansion du christianisme dans un monde païen posait en effet de nombreux problèmes : quelle conduite adopter en face de l'idolâtrie officielle, des statues de dieux, des jeux du cirque, de la mode, du service militaire dans une armée païenne, de l'esclavage ? Toute une casuistique s'élabore donc et maintes déterminations pratiques apparaissent. Mais il est remarquable que la solution de tous ces problèmes ait été proposée le plus souvent en référence aux grands principes théologiques, et tout d'abord à l'imitation du Christ.

La pénitence auriculaire, c'est-à-dire privée, suscite au viie siècle l'apparition des pénitentiels. On y dresse des listes très détaillées de péchés graves affectés d'un tarif pénitentiel, d'où le mot de « pénitence taxée ». Certains pénitentiels ne signalent pas moins de vingt espèces d'homicides avec les pénitences correspondantes. Le quatrième concile du Latran (1215), en imposant la communion et la confession annuelles, donne à la casuistique une nouvelle impulsion. C'est le temps des summae confessorum. Thématiques parfois, plus souvent alphabétiques, elles ordonnent autour des mots les plus importants, tels des dictionnaires, tout ce qui peut renseigner les prêtres dans l'exercice de leur ministère. Elles traitent de morale, de liturgie, de pastorale, surtout de droit. Les éléments casuistiques y sont prépondérants ; aussi, pas plus que les pénitentiels, ces summae casuum ne prétendent-elles pas être des théologies morales scientifiques structurées ; elles se proposent comme des instructions pour mieux confesser.

De nouvelles perspectives

La casuistique n'est devenue qu'au xvie siècle la méthode presque exclusive de la théologie morale. Le concile de Trente (1545-1563) ayant précisé les conditions de l'accusation des fautes en confession, on doit donner aux candidats au sacerdoce une formation renouvelée. Des cours de « cas de conscience » sont inscrits aux programmes et les élèves ont pour manuels ces institutiones morales dont le jésuite J. Azor éditera la première en 1600. Ces ouvrages comportent des principes pratiques empruntés souvent au droit, et des applications casuistiques selon l'ordre du Décalogue. D'autres ouvrages, appelés encore summae casuum, ne donnent que les solutions des cas sans exposer les principes. Le nombre de ces ouvrages est très élevé (de 1560 à 1660, on en connaît plus de 600), et celui des cas traités considérable : plus de 20 000 dans la Summa[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de la théologie morale moderne à l'Accademia Alfonsiana de l'université pontificale du Latran (Rome)

Classification

Pour citer cet article

Louis-Gustave VEREECKE. CASUISTIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BIOÉTHIQUE ou ÉTHIQUE BIOMÉDICALE

    • Écrit par Gilbert HOTTOIS
    • 7 796 mots
    • 1 média
    ...juger et choisir. C’est pourquoi l’approche casuistique a constitué très tôt un contrepoids au principlisme. Sans rejeter la référence aux principes, la casuistique souligne la nécessité de les interpréter en tenant compte des circonstances particulières lors de leur application. Cette exigence conduit...
  • JÉSUITES ou COMPAGNIE DE JÉSUS

    • Écrit par Jean DELUMEAU, Universalis
    • 4 390 mots
    • 1 média
    ...», qui permettait au pénitent de choisir et au confesseur de conseiller, entre deux devoirs, le moins difficile, pourvu qu'une autorité reconnue – un casuiste – eût déclaré ce choix acceptable. Les jésuites ne furent ni les premiers ni les seuls casuistes. Si Escobar appartenait à la Compagnie, Caramuel...
  • MOYEN ÂGE - La pensée médiévale

    • Écrit par Alain de LIBERA
    • 22 212 mots
    ...naturellement pénétrable aux « fictions » du mathématicien (points, lignes, surfaces idéales) et de l'astronome (sphères cosmiques). Lié par les seules contraintes du possible logique, le raisonnement imaginaire va produire du savoir, en explorant son propre espace. La casuistique est née dans la physique.
  • PASCAL BLAISE (1623-1662)

    • Écrit par Dominique DESCOTES, François RUSSO
    • 8 436 mots
    • 4 médias
    ...Arnauld et Port-Royal contre la persécution par les autorités politiques et ecclésiastiques. Mais, bientôt, Pascal se tourne contre la morale laxiste des casuistes, dont les Jésuites sont alors les principaux défenseurs. Ce qui le scandalise, ce sont moins les opinions probables, souvent ridicules, parfois...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi