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BRĀHMAṆA

Le Veda contient essentiellement trois types de textes : des poèmes et des strophes isolées, qui ensemble constituent ce que l'on nomme chandas (poésie) ; des formules rituelles (yajus) ; enfin, de longs développements en prose, de caractère spéculatif. C'est à ces derniers qu'est réservé le nom de brāhmana (textes concernant le brahman). Il s'agit de volumineux traités (la traduction du plus célèbre de ceux-ci occupe cinq gros volumes), où la liturgie est interprétée dans ses détails les plus menus par référence à la mythologie et à une théologie extrêmement ambitieuse, qui prétend expliquer le monde dans sa totalité. Théoriquement, chaque école védique devrait posséder son brāhmana ; cependant, quelques-unes en manquent, et nombreux sont les passages communs à divers textes. Les brāhmana les plus connus sont le Shātapatha-Brāhmana (qui appartient au Yajur-Veda blanc), le Jaiminīya-Brāhmana (du Sāma-Veda), le Taittirīya-Brāhmana (du Yajur-Veda noir), l'Aitareya-Brāhmana (du Rig-Veda).

La démarche des auteurs (non identifiables) des brāhmana est toujours la même : commentant un rituel supposé connu, ils le justifient pas à pas en tâchant de montrer que rien n'y est arbitraire ; chaque geste, chaque parole, chaque offrande a sa raison d'être et sa nécessité ; non pas tellement parce que les dieux le veulent ainsi, mais parce que la liturgie est une manifestation du dharma (ou ṛta), la norme universelle, l'ordre des choses. Ainsi, la mise en œuvre de la liturgie terrestre, humaine, qui est analogue à celle que célèbrent les dieux dans l'autre monde contribue-t-elle à renforcer ce même ordre cosmique : on va jusqu'à dire que, si le sacrifice du matin n'était pas célébré, le soleil ne se lèverait pas. À l'énergie mystérieuse produite par l'acte rituel les théologiens des brāhmana donnent le nom de brahman (l'Absolu, le Principe de toute manifestation phénoménale, l'Essence). On comprend, par conséquent, comment ces textes peuvent se prolonger par des chapitres purement spéculatifs qui constituent les plus anciennes upanishads (ainsi la plus célèbre d'entre elles, la Brihad-Aranyaka-Upanishad, est-elle le quatorzième et dernier livre du Shātapatha-Brāhmana).

Pour l'historien des religions, les brāhmana sont une mine inépuisable de renseignements non seulement sur l'idéologie védique, mais encore sur le mode de raisonnement des théologiens archaïques (~ IIe et ~ Ier millénaires). À les lire, on saisit sur le vif le passage de la pensée mythique à la philosophie au sens propre du mot.

— Jean VARENNE

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

Classification

Pour citer cet article

Jean VARENNE. BRĀHMAṆA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ĀTMAN

    • Écrit par Michel HULIN
    • 879 mots

    Le terme ātman est présent dès le Ṛg-Veda, où il désigne une sorte de principe de vie supérieur aux autres éléments constitutifs de la personne – sens, organes spécialisés, membres – et coordonnant leur activité. Dans les couches plus récentes de la littérature védique – les ...

  • BRAHMAN & BRĀHMANE

    • Écrit par Jean FILLIOZAT
    • 988 mots

    La conception védique du bráhman neutre, non définie avec précision dans les textes, a donné lieu à nombre d'hypothèses sur ses origines, sur sa signification originelle et sur l'étymologie de son nom. Mais les nombreuses mentions qui en sont faites dans les textes védiques permettent de juger, à travers...

  • DÉLUGE MYTHES DU

    • Écrit par Mircea ELIADE
    • 2 091 mots
    • 1 média
    ...d'origine sémitique probablement, est connu dans l'Inde. Absent dans le Véda, le mythe du Déluge est attesté pour la première fois dans le Śatapatha Brāhmana (I, viii, 1), rituel rédigé probablement au viie siècle avant J.-C. : un poisson avertit Manu de l'imminence du Déluge et lui conseille de...
  • MANTRA

    • Écrit par André PADOUX
    • 3 504 mots
    • 1 média
    ...interjections (hāu, ī, hum) à usage mélodique et à valeur magique et mystique, les stobha, énoncés condensés dont le rôle sera très développé par la suite. Dans le védisme est en principe mantra tout ce qui n'est ni interprétation des formules ( brāhmaṇa), ni injonction rituelle (vidhi).

Voir aussi