Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BEHAVIORISME

L'acte de naissance du behaviorisme est constitué par l'article intitulé « La Psychologie telle qu'un behavioriste la voit », que John Watson publia en 1913 dans la revue qu'il dirigeait, la Psychological Review. Il développa et précisa ensuite ses idées dans divers articles et dans plusieurs ouvrages, dont le principal est Behaviorism, publié pour la première fois en 1925. Bien que Watson lui-même n'ait pas apporté de découvertes empiriques considérables, l'influence des idées qu'il a ainsi exprimées et du véritable manifeste qu'il a lancé en 1913 fut telle, aux États-Unis et par contrecoup dans le reste du monde, que l'on a pu parler à ce sujet de « rupture » dans le champ de la psychologie. Pour toute la psychologie qui se réclame du qualificatif « scientifique », c'est-à-dire d'abord, certes, pour la psychologie expérimentale générale, mais aussi pour d'autres secteurs de la psychologie (et même, au-delà de celle-ci, pour des domaines tels que la biologie ou les sciences sociales), la notion de « comportement » devient alors une notion de référence.

Il est important de voir avec précision en quel sens elle le devient, pour pouvoir saisir le fond des débats et des développements historiques qui ont affecté la psychologie depuis environ un siècle.

La rupture watsonienne

Le terme même de comportement est ancien et, au début du xxe siècle, les dictionnaires le qualifient de « vieux ». Une de ses premières utilisations françaises se trouve chez Pascal : « Pour reconnaître si c'est Dieu qui nous fait agir, il vaut bien mieux s'examiner par nos comportements au-dehors que par nos motifs au-dedans. » Mais, bien entendu, son usage nouveau s'inspire plutôt de la tradition cartésienne, celle des animaux-machines. C'est en 1907 que Henri Piéron réintroduit le terme dans le langage psychologique français à titre d'équivalent de l'américain behavior (ou de l'allemand Verhalten), pour désigner « les manières d'être et d'agir des animaux et des hommes, les manifestations objectives de leur activité globale ». Toutefois, il considère, comme le fait de son côté Pavlov, que les faits ainsi identifiés renvoient à la physiologie.

Les idées développées par Watson vont ainsi être en net contraste avec deux courants qui lui préexistent. La naissance de la psychologie scientifique lui est, d'une certaine manière, antérieure : Gustav T. Fechner, Hermann L. Helmholtz, Wilhelm Wundt – qui fonda en 1879 le premier laboratoire de psychologie expérimentale – Hermann Ebbinghaus, Ivan Setchenov, Ivan Pavlov, Alfred Binet et d'autres chercheurs, ont ouvert la voie en observant divers types de comportements et en essayant de les mettre en relation avec leurs conditions d'apparition. Toutefois, la notion de comportement elle-même ne fut pas alors encore complètement dégagée. En France, Pierre Janet utilise systématiquement le terme de « conduites », mais en y englobant les contenus de conscience, qui lui paraissent en être indissociables.

Watson prend nettement position contre les conceptions de ce type ; il se montre fort sévère pour la postérité de Wundt, pour la psychologie introspective allemande et pour les émules qu'elle a aux États-Unis ; il condamne la « trentaine d'années stériles » de cette science et s'oppose à William James. Selon lui, la psychologie doit devenir une « science naturelle » – ou, pour être plus clair, une « science de la nature » – au même titre que la médecine, la chimie ou la physique. « Pourquoi, écrit-il dans Le Behaviorisme, ne pas faire de ce que nous pouvons observer le champ réel de la psychologie ? Limitons-nous aux choses qui peuvent être observées et formulons des lois concernant uniquement ces choses. » Cette limitation a, d'une certaine façon, fondé[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean-François LE NY. BEHAVIORISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Ivan Petrovitch Pavlov - crédits : Bettman/ Getty Images

Ivan Petrovitch Pavlov

Enregistrement d'un comportement de caractère émotionnel - crédits : Encyclopædia Universalis France

Enregistrement d'un comportement de caractère émotionnel

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE COGNITIVE

    • Écrit par Arnaud HALLOY
    • 5 810 mots
    ...l’anthropologie cognitive. La première prend place à cheval sur les années 1950 et 1960. On assiste alors au « tournant cognitif » en psychologie avec le passage du béhaviorisme – un courant de la psychologie qui juge impossible l’accès aux états mentaux, et par conséquent leur explication scientifique, et qui prône...
  • ATTITUDE

    • Écrit par Raymond BOUDON
    • 4 175 mots
    • 2 médias

    Le mot attitude vient du latin aptitudo. Son sens primitif appartient au domaine de la plastique : « Manière de tenir le corps. [Avoir] de belles attitudes », dit Littré. Du physique le terme se transpose au moral : « L'attitude du respect » ; puis il déborde le moral pour indiquer des dispositions diverses...

  • BLOOMFIELD LEONARD (1887-1949)

    • Écrit par C.-H. VEKEN
    • 812 mots

    Homme réservé, à la personnalité austère et entière, L. Bloomfield marqua de façon déterminante le développement de la linguistique aux États-Unis et dans le monde. Né à Chicago, il étudia la grammaire et la philologie germanique à Harvard et, après avoir passé un an en Allemagne, où...

  • COGNITION

    • Écrit par Chrystel BESCHE-RICHARD, Raymond CAMPAN
    • 2 626 mots
    ...et de la mémoire. La psychophysique mesure les performances sensorielles pour établir des lois et la psychologie devient expérimentale. Toutefois, le behaviorisme, courant psychologique qui se développe au début du xxe siècle, rejette l'introspection et l'étude des processus mentaux, car un ...
  • Afficher les 33 références

Voir aussi