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BRUCKNER ANTON (1824-1896)

Influence et réception

L’influence de Bruckner sur ses disciples fut considérable, même sur ceux qui ne furent pas ses élèves dans le sens académique du terme, comme Hugo Wolf et Gustav Mahler. Elle marqua aussi Jean Sibelius, pour qui la Symphonie no 5 fut une révélation.

L’imprégnation pangermanique de Bruckner, autre similitude avec Wagner, fit qu’il se trouva, comme ce dernier, fort malencontreusement mis à l’honneur par le IIIe Reich, ses origines autrichiennes le rendant tout indiqué pour être présenté comme un symbole musical de l’Anschluss.

Dans la vie, l’homme a été considérablement desservi par des côtés handicapants de sa personne, qui se prêtaient aux sarcasmes : un physique ingrat, une allure pataude, son accent rural de « paysan du Danube », sa maladresse en société et son inadaptation aux côtés pratiques de la vie. Ses quelques tentatives de mariage se soldèrent par des échecs. Il était par ailleurs affligé de troubles obsessionnels compulsifs, comme sa manie du comptage, recensant les fenêtres des maisons, les bûches dans un stère de bois, voire les feuilles sur les arbres. Des altérations de la personnalité dont on peut rechercher les causes autant dans des antécédents psychiques familiaux que dans l’éducation disciplinaire rigide reçue chez les Jésuites.

Bien qu’ayant suscité des rejets, Bruckner fut activement défendu par les plus grands chefs, allemands et autres, à commencer par Wilhelm Furtwängler, Otto Klemperer, Bruno Walter dans la première moitié du xxe siècle. Suivirent de nombreux enregistrements intégraux de ses symphonies, dont ceux de Eugen Jochum, Bernard Haitink, Claudio Abbado, Georg Solti, Daniel Barenboim, Günter Wand… Prenant en compte l’apport des éditions critiques, certains incluent des versions remaniées, comme ceux de Eliahu Inbal, et surtout Guennadi Rojdestvenski, qui a réalisé la somme la plus riche, intégrant les symphonies de jeunesse no 0 et 00. Parmi les interprétations isolées survivant en live, celles de Sergiu Celibidache font date. Elles sont marquées par l’aura d’un maître qui, prenant l’option de tempi très lents, affinait jusqu’à l’extrême le travail sur les sonorités et la polyphonie orchestrale et conférait au temps brucknérien sa part d’éternité. Enfin, des incursions dans l’œuvre de Bruckner de spécialistes du baroque sont à mentionner, tels Nikolaus Harnoncourt pour les symphonies et Philippe Herreweghe pour la musique religieuse.

La musicographie française a compté des anti-brucknériens virulents, comme André Coeuroy, dont la postérité a retenu l’image des « adagios de Bruckner où l’herbe pousse entre les notes », mais aussi des défenseurs lucides (Armand Machabey, Jean Gallois), enthousiastes (Harry Halbreich), voire inconditionnels (Paul-Gilbert Langevin). Auprès des mélomanes français, sa musique, longtemps mésestimée, a été progressivement et considérablement réévaluée au cours de la seconde moitié du xxe siècle.

— André LISCHKE

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Écrit par

  • : docteur en musicologie, maître de conférences à l'université d'Évry, retraité

Classification

Pour citer cet article

André LISCHKE. BRUCKNER ANTON (1824-1896) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Anton Bruckner - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Anton Bruckner

Autres références

  • JOCHUM EUGEN (1902-1987)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 977 mots

    Dernier des grands chefs d'orchestre allemands formés dans la tradition post-romantique, Eugen Jochum naît à Babenhausen, en Bavière, le 1er novembre 1902. Les trois frères Jochum feront carrière dans la musique : Otto Jochum (1898-1969) comme compositeur, Georg Ludwig Jochum (1909-1970) comme...

  • Symphonie n° 9, BRUCKNER (Anton)

    • Écrit par Alain FÉRON
    • 527 mots
    Bruckner doute longtemps de sa vocation de compositeur et ne complète sa formation musicale que vers l'âge de trente-cinq ans, avant de devenir lui-même, en 1868, professeur au Conservatoire de Vienne. Organiste à la cour des Habsbourg, il se rend célèbre par ses improvisations. Mais il ne connaît...
  • WAND GÜNTER (1912-2002)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 859 mots

    Avec Kurt Sanderling, Günter Wand était le dernier représentant d'une génération de chefs d'orchestre allemands formés dans l'héritage direct de Wagner, Bruckner et Mahler. En France, il a régulièrement dirigé la Société des concerts du Conservatoire et l'Orchestre des Concerts Lamoureux...

Voir aussi