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BRENDEL ALFRED (1931- )

« Si j'appartiens à une tradition, il s'agit d'une tradition dans laquelle c'est le chef-d'œuvre qui indique à l'interprète ce qu'il doit faire, et non pas d'une tradition où l'interprète impose ses conceptions à l'ouvrage, ou tente de dire au compositeur ce qu'il aurait dû composer. » (Alfred Brendel. Man and Mask). Cette phrase résume de manière parfaite l'art du pianiste autrichien Alfred Brendel, interprète d'élection des classiques viennois – Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert –, de Liszt et de Brahms.

Un musicien autodidacte

Alfred Brendel naît le 5 janvier 1931 à Wiesenberg (Loučná nad Desnou), dans le nord de la Moravie (alors en Tchécoslovaquie, aujourd'hui en République tchèque). Il conjugue en lui des origines allemande, autrichienne, italienne et slave. Ses parents, qui appartiennent à la classe privilégiée – son père est ingénieur, architecte, homme d'affaires –, n'éprouvent cependant pas d'attirance particulière pour la musique. Son enfance se déroule en Yougoslavie et en Autriche. Il a trois ans lorsque sa famille s'établit sur la petite île de Krk, sur la côte croate, afin d'y gérer un hôtel. C'est là qu'il découvre la musique, à la radio et grâce au phonographe qui sert à distraire les clients de l'hôtel ; il gardera notamment un souvenir vivace des enregistrements d'opérettes chantées par Jan Kiepura. Il commence sa scolarité à Zagreb et prend ses premières leçons de piano à l'âge de six ans ; il étudie également l'harmonie. La Seconde Guerre mondiale contraint sa famille à s'établir en 1943 à Graz. Au conservatoire de la ville autrichienne, l'adolescent étudie le piano avec Ludowika von Kaan, élève du pianiste, chef d'orchestre et compositeur allemand Bernhard Stavenhagen, lui-même disciple de Liszt, qui le tenait en grande estime. À Graz, Alfred Brendel suit également des cours privés de composition auprès de l'organiste et compositeur Artur Michl. Mais il ne recevra plus aucun enseignement académique à partir de l'âge de seize ans, ce qu'il considérera finalement comme étant un avantage. Sans véritable professeur, Alfred Brendel travaille le piano en solitaire. Le 26 avril 1948 – il a dix-sept ans à peine –, il donne à Graz un premier récital, sur le thème bien peu accrocheur de « la fugue dans la littérature du piano », qui donne la mesure de ses moyens techniques, de son exigence intellectuelle et de l'étendue de sa curiosité ; le programme rassemble en effet des pages pour piano comportant obligatoirement une fugue signée Bach, Liszt, Brahms, Malipiero, et même une sonate avec double fugue d'un certain... Alfred Brendel ! C'est sur les conseils de Ludowika von Kaan qu'il part suivre en 1949 les cours d'été que dispense, à Lucerne, le grand Edwin Fischer, qui demeurera, avec Alfred Cortot et Wilhelm Kempff, sa principale influence (il suivra deux autres cours d'interprétation auprès de Fischer à Lucerne, en 1950 et en 1956).

Cette même année 1949, Alfred Brendel se présente au Concours international de piano Ferruccio-Busoni de Bolzano, dont c'est la première édition. Devancé par Lodovico Lessona (deuxième prix, premier prix non décerné), il n'obtient que le quatrième prix mais sa notoriété s'établit. Il va cependant commencer sa carrière avec prudence, donnant à ses débuts volontairement peu de concerts, et consacrant beaucoup de temps à l'étude des partitions mais aussi à la peinture, à la littérature et à la poésie ; Alfred Brendel – qui est, en cela, comparable à son cadet Maurizio Pollini – devient l'un des pianistes les plus éclectiques et cultivés de son temps. En 1950, il s'installe à Vienne. Il prendra encore quelques leçons auprès des pianistes Paul Baumgartner, à Bâle, et Eduard Steuermann, à Salzbourg,[...]

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Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Pierre BRETON. BRENDEL ALFRED (1931- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • INTERPRÉTATION MUSICALE

    • Écrit par Alain PÂRIS, Jacqueline PILON
    • 7 438 mots
    • 8 médias
    « Comprendre les intentions du compositeur signifie les transmettre selon la compréhension qu'on en a [...]. Les exécutions les plus impressionnantes d'une œuvre ne sont pas toujours celles qui sont les plus „justes“ historiquement... Il faut jouer de la façon la plus sublime, la plus visionnaire, émouvante,...
  • PIANO

    • Écrit par Daniel MAGNE, Alain PÂRIS
    • 4 344 mots
    • 15 médias
    ... La génération suivante accentue cette impression de détachement : après avoir offert une vision généreuse du répertoire romantique, l'univers d' Alfred Brendel (1931) semble se refermer au fil des années dans une introspection proche de la froideur ; Maurizio Pollini (1942-2024) mêle avec bonheur...

Voir aussi