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FORFAITURE

Du latin foris factura, le terme de forfaiture désigne l'action accomplie en dehors des règles édictées. Dans le droit féodal, la forfaiture correspondait à une « faute grave ». En effet, un vassal s'était-il rendu coupable d'une violation grave de l'hommage qui le liait à son suzerain que ce dernier était en droit de reprendre le fief concédé. Le Code du 3 brumaire an IV de la République a donné au terme forfaiture un sens beaucoup plus précis ; il en a fait une faute grave, mais professionnelle, c'est-à-dire une faute commise dans l'exercice de ses fonctions par l'individu reprochable et dont seuls les juges pouvaient se rendre coupables. Si une sanction était alors prononcée à l'encontre des magistrats coupables de forfaiture, ces juges perdaient notamment tout droit de remplir une fonction quelle qu'elle soit ou un emploi public pendant une durée de vingt ans. Les rédacteurs du Code pénal de 1810 élargirent le terme de forfaiture et étendirent cette dernière qualification : le Code pénal disposa en son article 166 que « tout crime commis par un fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonctions est une forfaiture ». Le domaine de la forfaiture était désormais réduit au seul crime — à l'exclusion des délits — commis dans l'exercice d'une fonction ; la peine encourue était alors celle de la dégradation civique, qui comporte, comme on le sait, la perte des droits de citoyen et l'incapacité de remplir une fonction publique quelle qu'elle soit. Le terme de forfaiture était, en fait, une qualification générale dans laquelle le Code pénal de 1820 embrassait un ensemble d'infractions dont chacune formait l'objet d'une incrimination spéciale.

Pour qu'il y eût forfaiture, il fallait que le fait constitutif soit un crime proprement dit, conformément aux termes de la loi — ce qui excluait les délits et les contraventions du cadre de l'infraction —, que le crime ait été commis par un fonctionnaire public, que le fait constitutif ait été commis dans l'exercice même des fonctions imparties à l'individu poursuivi, qu'enfin une intention criminelle se soit manifestée expressément. Le nouveau Code pénal de 1993 a supprimé les dispositions générales relatives à la forfaiture. Celles-ci s'étaient en effet révélées inutiles, et même dangereuses Inutiles, parce que chacun des crimes susceptibles d'être commis par des fonctionnaires dans l'exercice même de leurs fonctions avait fait l'objet d'une incrimination spéciale et de pénalités particulières de la part du législateur ; dès lors, on ne poursuivait plus un fonctionnaire pour forfaiture, et la qualification était devenue désuète. La généralité même de ces dispositions les rendait dangereuses ; qu'on se rappelle l'affaire Malvy : ministre de l'Intérieur au cours de la Première Guerre mondiale, Malvy avait été mis en accusation par la Chambre des députés, déclaré coupable d'avoir méconnu les devoirs de sa charge, et renvoyé devant le Sénat, constitué en Haute Cour de justice, sous l'inculpation de trahison ; la Haute Cour de justice l'avait acquitté de ce chef, mais elle avait retenu contre lui différents agissements expressément prévus par la législation pénale et, en vertu de son pouvoir souverain, avait, dans un arrêt du 6 août 1918, qualifié de forfaiture les agissements du ministre et aggravé la peine en le frappant de bannissement (sanction qu'elle substituait à la dégradation civique encourue).

— Joël GREGOGNA

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Joël GREGOGNA. FORFAITURE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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