Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MONTEVERDI CLAUDIO (1567-1643)

« Oracolo della musica », selon l'expression de Benedetto Ferrari (1604 env.-1681), Claudio Monteverdi appartient à la fois au dernier tiers du xvie siècle et à la première moitié du xviie siècle. Il assure le lien entre la Renaissance, l'humanisme et l'époque baroque. Vers le milieu du xixe siècle, des auteurs italiens tels que le père Francesco Caffi et Angelo Solerti, puis allemands, comme Emil Vogel, Hugo Leichtentritt et August Wilhelm Ambros, suivis par Hugo Riemann et, en France, par Romain Rolland vont attirer l'attention sur ce musicien italien et européen. Plus proche de nous, Nadia Boulanger définira ainsi Claudio Monteverdi : « C'est un génie qui savait exactement ce qu'il faisait. C'était un homme qui choisissait, un homme qui pensait. Ce n'était pas un homme qui n'était qu'inspiré comme le sont la plupart des grands. »

Les recherches plus récentes des spécialistes Leo Schrade (1950, 1964, 1981), Silke Leopold (1982), et les mélanges en l'honneur de Reinhold Hammerstein consacrés à Monteverdi et édités en 1986 par Friedrich Ludwig Finscher, offrent une vue plus synthétique et plus détaillée sur le compositeur et sur son œuvre. Et la chanteuse Nella Anfuso se fonde sur les travaux d'Annibale Gianuario qui, dans les domaines technique et esthétique, s'attache à proposer une interprétation des œuvres de Monteverdi plus conforme à la réalité historique.

Si Monteverdi est encore proche de Johannes Ockeghem, de Josquin des Prés, de Pierre de La Rue, de Nicolas Gombert, qui préconisent la prima prattica, il se rattache aussi à Cyprien de Rore, Marc'Antonio Ingegneri, Luca Marenzio, Jacopo Peri et Giulio Caccini, qui exploitent la seconda prattica. Cette proximité traduit deux attitudes opposées : ou la musique domine le texte, ou le texte détermine la musique. L'œuvre montéverdienne oscille entre tradition et modernité, objectivisme et subjectivisme.

L'humanisme et la Renaissance ont lancé la doctrine du retour ad fontes, c'est-à-dire aux sources gréco-latines qui favorisent l'étroite union du texte et de la musique, l'intelligibilité des paroles, la théorie des passions (Affektenlehre), les principes de l'ethos dans la traduction musicale des images et des idées du drame musical, la prosodie juste, sans négliger les acquis du contrepoint franco-flamand et de Palestrina, et les innovations : harmonie, monodie accompagnée, basse continue, figuralismes, madrigalismes et stile rappresentativo. Ayant vécu à une époque charnière, Monteverdi occupe une position historique d'une importance capitale dans l'évolution de la musique religieuse et dans la genèse du drame musical, encouragée par les fastes de Venise et ses hauts lieux : la basilique Saint-Marc et les théâtres.

Une vie mouvementée

Crémone : la jeunesse (1567-1590)

Claudio Monteverdi - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Claudio Monteverdi

Claudio Monteverdi est baptisé à Crémone le 15 mai 1567. Peu de renseignements nous sont parvenus sur sa jeunesse. Dans cette ville sous domination espagnole, ce fils de médecin apprend l'orgue, la viole, le chant, le contrepoint. Il est l'élève de Marc'Antonio Ingegneri, maître de chapelle ; il fréquente l'école de la maîtrise de la cathédrale et reçoit une solide instruction humaniste (grec, latin, lettres, arts). Il commence à composer des motets, des messes en style sévère et des madrigaux. Il est donc à la fois organiste, violiste et compositeur.

Mantoue : les difficultés (1590-1612)

À l'âge de vingt-trois ans, Monteverdi est chanteur et joueur de viole à la cour des Gonzague, dans l'entourage de Jachet de Wert, de Giovanni Giacomo Gastoldi, de Lodovico Grossi da Viadana, de Benedetto Pallavicino (qui meurt en 1601). Dans cette ville prestigieuse, il est d'abord maître de musique de la chambre, puis maestro di capella, et dispose en 1601 d'une douzaine de chanteurs[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur d'analyse et de culture musicale à l'École nationale de musique de Montbéliard et au Conservatoire national supérieur de musique de Paris
  • : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, professeur à l'Institut catholique de Paris, docteur ès lettres et sciences humaines

Classification

Pour citer cet article

Denis MORRIER et Edith WEBER. MONTEVERDI CLAUDIO (1567-1643) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Claudio Monteverdi - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Claudio Monteverdi

Autres références

  • CORRESPONDANCE, PRÉFACES, ÉPîTRES DÉDICATOIRES (C. Monteverdi)

    • Écrit par Denis MORRIER
    • 958 mots

    Depuis le milieu des années 1980, la discographie et la musicologie montéverdiennes connaissent un véritable renouveau. Les mélomanes ont ainsi pu découvrir simultanément deux excellentes intégrales des opéras de Monteverdi, aux partis pris pourtant opposés, l'une réalisée par René Jacobs (chez Harmonia...

  • L'ORFEO (C. Monteverdi)

    • Écrit par Denis MORRIER
    • 1 088 mots
    • 1 média

    Chef-d'œuvre fondateur du répertoire lyrique occidental, L'Orfeo fut créé le 24 février 1607 au Palazzo Ducale de Mantoue, dans les appartements de la duchesse de Ferrare, sœur du duc de Mantoue, Vincenzo Gonzaga. L'Accademia degli Invaghiti formait le public de la première représentation....

  • ORFEO (C. Monteverdi)

    • Écrit par Christian MERLIN
    • 234 mots
    • 1 média

    L'Orfeo de Claudio Monteverdi, créé au palais ducal de Mantoue le 24 février 1607, est considéré comme le premier chef-d'œuvre universel de l'histoire de l'opéra. Le compositeur, qui était alors au service de Vincenzo Gonzague, duc de Mantoue, réalise dans cette fàvola...

  • BEL CANTO

    • Écrit par Jean CABOURG
    • 2 752 mots
    • 5 médias
    ...années 1620, attise le goût pour le démonstratif, les scénographies somptueuses du Bernin offrant un magistral contrepoint aux efflorescences vocales. Monteverdi lui-même, influencé à ses débuts par l'éthique florentine, comme en témoigne notamment son Orfeo de 1607, inscrira son Retour d'Ulysse...
  • CAVALLI PIER FRANCESCO (1602-1676)

    • Écrit par Denis MORRIER
    • 1 710 mots
    Claudio Monteverdi (1567-1643) avait été nommé maestro della Capella en 1613 : dès son arrivée, Pier Francesco peut donc travailler sous sa direction. Adulte, il deviendra l'un de ses plus proches collaborateurs, et il témoignera longtemps après la mort de son maître de toute l'estime qu'il avait...
  • CONTREPOINT

    • Écrit par Henry BARRAUD
    • 4 643 mots
    Peut-être faut-il voir dans Monteverdi le point d'aboutissement de cette longue évolution. Une partie de son œuvre, les Madrigaux, appartient encore à un style contrapuntique fortement étayé par une structure harmonique. Une autre partie nous initie à une forme nouvelle : la mélodie accompagnée,...
  • FIGURALISME

    • Écrit par Antoine GARRIGUES
    • 1 324 mots
    ...mots, des images, des situations et des symboles se développe celle des passions, au début du xviie siècle. Puisant aux sources de la pensée antique, Claudio Monteverdi (1567-1643) s'était fait l'ambassadeur de ce mouvement en rappelant, dans la Préface de son Huitième Livre de madrigaux...
  • Afficher les 18 références

Voir aussi