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MONTEVERDI CLAUDIO (1567-1643)

Recherches montéverdiennes

Depuis le milieu des années 1980, la discographie et la musicologie montéverdiennes connaissent un véritable renouveau. Les mélomanes ont ainsi pu découvrir simultanément deux excellentes intégrales des opéras de Monteverdi, aux partis pris pourtant opposés, l'une réalisée par René Jacobs, l'autre par Gabriel Garrido. Leur divergence esthétique reflète l'effervescence actuelle de la recherche.

Après les temps « héroïques », marqués par les grandes monographies de Henry Prunières (1924), de Gian Francesco Malipiero (1929) et de Leo Schrade (1950), la musicologie montéverdienne était devenue une affaire anglo-saxonne avec, dans les années 1960-1980, les travaux de Denis Stevens, Denis Arnold, Nigel Fortune, Iain Fenlon, Tim Carter. La parution en 1985 de l'ouvrage de Paolo Fabbri marqua l'émergence d'une autre approche des sources et d'une nouvelle méthodologie. Dans le sillage de Fabbri, les travaux de Lorenzo Bianconi, d'Eva Lax et de Paola Bessuti suscitèrent une véritable émulation internationale. Depuis 1999, on a vu la publication de plusieurs études déterminantes, en particulier sur la musique religieuse mantouane de Monteverdi (Jeffrey Kurtzman, 1999) et sur sa production religieuse vénitienne (Linda Maria Koldau, 2001).

C'est dans ce contexte particulier qu'est parue en 2001 la première traduction française de l'ensemble des écrits de Claudio Monteverdi : correspondance, préfaces et épîtres dédicatoires. Ce corpus de textes, indispensable pour la compréhension de l'homme et de son œuvre, avait été publié pour la première fois, en italien, par Domenico de' Paoli, en 1973. Une traduction anglaise, par Denis Stevens (omettant le texte italien original), parut en 1980. En 1994, Eva Lax proposa une nouvelle édition italienne, doublée d'une étude remarquable. La réalisation d'Annonciade Russo, qui met en regard le texte italien et une remarquable traduction française, est grandement redevable à ces trois travaux.

Sur les 127 lettres qui nous sont parvenues, 111 sont conservées aux Archives d'État de Mantoue (fonds des Archives Gonzague). Les seize autres sont de provenances diverses (Rome, Venise, Florence, Naples, Paris...). Si l'on considère leur chronologie, seules les douze premières furent écrites durant la période mantouane, entre 1601 et 1611, lorsque Monteverdi était au service de Vincenzo II Gonzaga. Les 115 autres, rédigées entre 1613 et 1637, relèvent de la période vénitienne, alors que le compositeur dirigeait la chapelle de Saint-Marc. La majeure partie de ces lettres est destinée à des correspondants mantouans, fonctionnaires ou dignitaires de la cour, tel Alessandro Striggio, le librettiste du premier opéra de Monteverdi, L'Orfeo, et, surtout, le secrétaire particulier des Gonzague.

C'est donc un aspect très parcellaire de l'homme et du compositeur que l'on peut découvrir dans ces lettres. Le contexte de rédaction et la qualité des correspondants ne permettent pas à la musique d'être au cœur du propos la plupart du temps. Monteverdi se plaint souvent de problèmes pécuniaires, qu'il faut cependant relativiser : à Venise, comme il le reconnaît lui-même, il touche un salaire qu'aucun autre maître de chapelle n'avait obtenu avant lui ; il se plaint en fait d'anciennes créances et, surtout, du traitement qui lui était réservé à la cour de Mantoue. En réponse aux propositions renouvelées de ses anciens patrons, il explique, avec maints détails éclairants, qu'il ne saurait reprendre son ancienne condition de « musicien serviteur » (cf. la très longue lettre no 49). Dans la plupart de ces lettres, l'homme ne paraît pas sous son meilleur jour : son argumentation est souvent obséquieuse, ses préoccupations vénales, et son caractère présomptueux, parfois même hypocrite[...]

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Écrit par

  • : professeur d'analyse et de culture musicale à l'École nationale de musique de Montbéliard et au Conservatoire national supérieur de musique de Paris
  • : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, professeur à l'Institut catholique de Paris, docteur ès lettres et sciences humaines

Classification

Pour citer cet article

Denis MORRIER et Edith WEBER. MONTEVERDI CLAUDIO (1567-1643) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Claudio Monteverdi - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Claudio Monteverdi

Autres références

  • CORRESPONDANCE, PRÉFACES, ÉPîTRES DÉDICATOIRES (C. Monteverdi)

    • Écrit par Denis MORRIER
    • 958 mots

    Depuis le milieu des années 1980, la discographie et la musicologie montéverdiennes connaissent un véritable renouveau. Les mélomanes ont ainsi pu découvrir simultanément deux excellentes intégrales des opéras de Monteverdi, aux partis pris pourtant opposés, l'une réalisée par René Jacobs (chez Harmonia...

  • L'ORFEO (C. Monteverdi)

    • Écrit par Denis MORRIER
    • 1 088 mots
    • 1 média

    Chef-d'œuvre fondateur du répertoire lyrique occidental, L'Orfeo fut créé le 24 février 1607 au Palazzo Ducale de Mantoue, dans les appartements de la duchesse de Ferrare, sœur du duc de Mantoue, Vincenzo Gonzaga. L'Accademia degli Invaghiti formait le public de la première représentation....

  • ORFEO (C. Monteverdi)

    • Écrit par Christian MERLIN
    • 234 mots
    • 1 média

    L'Orfeo de Claudio Monteverdi, créé au palais ducal de Mantoue le 24 février 1607, est considéré comme le premier chef-d'œuvre universel de l'histoire de l'opéra. Le compositeur, qui était alors au service de Vincenzo Gonzague, duc de Mantoue, réalise dans cette fàvola...

  • BEL CANTO

    • Écrit par Jean CABOURG
    • 2 752 mots
    • 5 médias
    ...années 1620, attise le goût pour le démonstratif, les scénographies somptueuses du Bernin offrant un magistral contrepoint aux efflorescences vocales. Monteverdi lui-même, influencé à ses débuts par l'éthique florentine, comme en témoigne notamment son Orfeo de 1607, inscrira son Retour d'Ulysse...
  • CAVALLI PIER FRANCESCO (1602-1676)

    • Écrit par Denis MORRIER
    • 1 710 mots
    Claudio Monteverdi (1567-1643) avait été nommé maestro della Capella en 1613 : dès son arrivée, Pier Francesco peut donc travailler sous sa direction. Adulte, il deviendra l'un de ses plus proches collaborateurs, et il témoignera longtemps après la mort de son maître de toute l'estime qu'il avait...
  • CONTREPOINT

    • Écrit par Henry BARRAUD
    • 4 643 mots
    Peut-être faut-il voir dans Monteverdi le point d'aboutissement de cette longue évolution. Une partie de son œuvre, les Madrigaux, appartient encore à un style contrapuntique fortement étayé par une structure harmonique. Une autre partie nous initie à une forme nouvelle : la mélodie accompagnée,...
  • FIGURALISME

    • Écrit par Antoine GARRIGUES
    • 1 324 mots
    ...mots, des images, des situations et des symboles se développe celle des passions, au début du xviie siècle. Puisant aux sources de la pensée antique, Claudio Monteverdi (1567-1643) s'était fait l'ambassadeur de ce mouvement en rappelant, dans la Préface de son Huitième Livre de madrigaux...
  • Afficher les 18 références

Voir aussi