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SELF WILL (1961- )

Une langue virtuose

Adepte d'expérimentations linguistiques et narratives, Will Self conçoit la fiction comme une atteinte au réalisme psychologique traditionnel et aux conventions liées à l'intrigue et à la peinture des personnages. L'auteur est un virtuose du style. Il manie la langue anglaise avec bonheur et inventivité par le biais de florilèges sonores, d'images déroutantes et de jeux de mots ingénieux. Dans Le Livre de Dave, les sections situées dans le futur sont rédigées en « mockney », imitation du cockney, le dialecte populaire de l'est de Londres, et reposent sur des transpositions phonétiques, des néologismes et des abréviations inspirés de l'écriture des textos. Cette prouesse linguistique se situe dans la lignée des expérimentations de James Joyce, mais aussi de l'écossais de la classe ouvrière chez Irvine Welsh ou de la langue futuriste de Russell Hoban dans Riddley Walker (1980). Situé dans un hôpital psychiatrique (comme la longue nouvelle de 2004, Dr Mukti), Umbrella (2012) est un long « courant de conscience » à la manière de modernistes tels que Joyce ou Virginia Woolf : diffracté en quatre points de vue, mêlant trois espaces temporels, le récit passe parfois de l'un à l'autre au sein d'une même phrase et reflète la dimension erratique de la mémoire.

Bien que la fiction de Will Self s'inspire de la culture populaire et puisse choquer par ses tableaux outranciers, elle est également érudite et tissée de références intertextuelles. Son roman le plus nettement hanté par ce passé canonique est Dorian : une imitation (2002), version contemporaine du Portrait de Dorian Gray (1890) d'Oscar Wilde : le portrait original est remplacé par une installation vidéo et le milieu dépeint est dominé par la drogue, le sexe, la violence, les ravages du sida et la fascination pour les médias. À travers une satire de la société contemporaine, l'ouvrage met en évidence la décadence et l'amoralité de l'esprit fin de siècle.

L'œuvre de Will Self continue de diviser les critiques en raison de sa nature excessive et subversive, de son obsession pour les détails sordides et pornographiques, de sa fascination pour la violence gratuite et le dégoût physique. Son exubérance et sa sophistication linguistique servies par un humour noir et grinçant comptent beaucoup dans l'attrait qu'elle exerce.

— Vanessa GUIGNERY

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Écrit par

  • : professeure des Universités en littérature britannique contemporaine et en littératures postcoloniales à l'École normale supérieure de Lyon, membre de l'Institut universitaire de France

Classification

Pour citer cet article

Vanessa GUIGNERY. SELF WILL (1961- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Will Self - crédits : Colin McConnell/ Toronto Star/ Getty Images

Will Self

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ, Jacques DARRAS, Jean GATTÉGNO, Vanessa GUIGNERY, Christine JORDIS, Ann LECERCLE, Mario PRAZ
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    The Quincunx, 1989), Jane Rogers (Mr. Wroe’s Virgins, 1991), Sarah Waters (Fingersmith, 2002) ou Michel Faber (TheCrimson Petaland the White, 2002), peut-être parce qu’elle offre une vision du monde où la stabilité, certes déjà lézardée, n’est pas encore totalement mise en péril. Alors que certains...

Voir aussi