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VITTORINO DA FELTRE VITTORINO DEI RAMBOLDONI dit (1378-1446)

Comme Guido da Verona à Ferrare, Vittorino da Feltre fut, à la tête de sa célèbre école de Mantoue, un des grands pédagogues du Quattrocento. Il avait étudié puis enseigné de nombreuses années à Padoue lorsque le marquis Jean François II de Gonzague, protecteur des lettres classiques, fit venir en 1425 à sa cour de Mantoue cet humaniste laïque afin d'y créer une école pour l'instruction et la formation des jeunes nobles. Déjà plusieurs princes italiens, soucieux d'éducation, avaient fondé de semblables écoles de palais ; l'une d'elles, à Padoue, était dirigée depuis une vingtaine d'années par Gasparino de Barzizza, dont Vittorino précisément avait été l'élève. Mais ce dernier allait faire de sa « Maison heureuse » (Casa giocosa) de Mantoue l'un des grands centres pédagogiques européens — avec ceux de Deventer aux Pays-Bas et des collèges de Winchester et d'Eton en Angleterre — qui se sont développés sans liens directs avec des universités.

L'originalité de Vittorino da Feltre fut d'étendre le programme des études classiques et de faire de la rhétorique et des belles-lettres les moyens essentiels de la formation du citoyen. L'homme cultivé de la fin du Moyen Âge était d'abord curieux de mathématiques, de physique, de cosmologie et cherchait à harmoniser ses connaissances avec l'enseignement de l'Église. Dans le programme de Mantoue, l'importance de cette formation professionnelle et religieuse s'atténua au profit d'une éducation morale, intellectuelle et corporelle soucieuse de former des personnalités vivantes et équilibrées : « Toute la gloire de l'homme, disait Vittorino citant Cicéron, réside dans l'action. » Les traités du maître de la Casa giocosa adoptent une visée résolument morale : « Tout le monde, écrit-il, n'est pas appelé à faire un légiste, un physicien ou un philosophe et à vivre sur le devant de la scène. Tout le monde n'a pas été doté par la nature de dons exceptionnels. Mais tous, autant que nous sommes, avons été créés pour la vie en société et les devoirs qu'elle implique. Tous, nous sommes responsables de l'influence personnelle qui se dégage de nous. » Sollicités par un programme d'enseignement extrêmement large, les élèves de Vittorino étudiaient non seulement le latin et le grec, mais encore leur langue maternelle, se familiarisant aussi bien avec la littérature contemporaine qu'avec les auteurs classiques et les textes religieux ; ils apprenaient en outre les mathématiques, la musique, l'art ; on leur faisait une obligation — exceptionnelle à l'époque — de pratiquer des exercices physiques tels que la natation, l'équitation, la marche, l'escrime. Pour cette école humaniste, l'instruction était ainsi le moyen principal de l'éducation, la voie royale conduisant à la vertu. Et, tandis que l'enseignement des Frères de la vie commune de Deventer, où se forma Érasme, subordonnait rigoureusement les disciplines profanes à une visée religieuse, celui de Mantoue était fondamentalement humaniste et classique, l'éducation chrétienne n'en constituant qu'un complément.

Le système pédagogique de Vittorino da Feltre se distingua encore de celui des autres écoles princières de la Renaissance par un souci d'ouverture démocratique qui semblait vouloir corriger d'une certaine manière l'aristocratisation de la culture à cette époque (alors que l'enseignement médiéval s'adressait à des enfants venus de milieux sociaux plus divers). Engagé par un prince pour éduquer les jeunes nobles, Vittorino ouvrit son école à des élèves appartenant non seulement à la bourgeoisie, mais aussi aux classes pauvres, tous étant soumis aux mêmes règles vestimentaires, au même régime alimentaire et à la même discipline. En outre, il posa le principe[...]

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Écrit par

  • : éditeur en philosophie, histoire des religions, sciences humaines; ancien élève titulaire de l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Charles BALADIER. VITTORINO DA FELTRE VITTORINO DEI RAMBOLDONI dit (1378-1446) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HUMANISME

    • Écrit par André GODIN, Jean-Claude MARGOLIN
    • 11 423 mots
    • 2 médias
    ... dont les grands pédagogues italiens du Quattrocento avaient tracé le programme et qu'ils avaient mis en œuvre, Guarino à Venise, Ferrare ou Vérone, Vittorino da Feltre à Mantoue, dans sa célèbre Casa giocosa où le sport et les jeux de plein air étaient honorés comme le latin, la rhétorique et la...